UNEF, pour Syndicat Bayrouiste Jacobin

Oui, nous sommes bien cruels de nous attaquer à l'Union Nationale des Etudiants de France, mieux connue sous le nom d'UNEF, tant cette archaïque institution semble d'ores et déjà vouée à la déchéance pure et simple. Mais la pitié n'est pas notre point fort, et puis l'UNEF demeure le syndicat étudiant majoritaire dans notre Douce France. Penchons-nous donc sur quelques détails expliquant leur attitude pour le moins chaotique pendant le non-événement de la "mobilisation étudiante", organisée en même temps que celle des cheminots et autres défenseurs des régimes spéciaux de retraite.

Tout d'abord, notons que la mobilisation étudiante date non pas de la rentrée, comme prétend le décréter l'UNEF, mais bel et bien de cet été, au moment où le sémillant Bruno Julliard avait eu le courage d'apporter, si besoin était, une caution "dialogue" au gouvernement Sarkozy. Souvenez-vous : en sortant de chez Valérie Pécresse, il s'était extasié devant ses "qualités d'écoute", et voyait se profiler un avenir radieux pour l'UNEF et donc (!) pour les étudiants de gauche sous le quinquennat Sarkozy.

Pendant ce temps, donc, les syndicats de gauche appelaient à la mobilisation contre la Loi Pécresse sur l'"autonomie" et la "responsabilité" des universités, dont l'UNEF avait participé à l'élaboration. La mobilisation commence, lentement, sans le moindre relais médiatique, tandis que la loi est votée à l'Assemblée pendant les vacances.Julliard est content.

Seulement, il se trouve que l'UNEF n'est pas seulement constituée de son courant majoritaire, "social-démocrate", "réaliste", "sarkocompatible", mais également de branches plus radicales et proches des Jeunesses Communistes Révolutionnaires, entre autres. Il se trouve que les branches en question, qui servent un peu de caution gauchiste au syndicat bayrouiste, menacent de s'envoler vers les cieux éternels des syndicats gauchistes tels que SUD étudiant et CNT étudiant pour ne citer qu'eux. Il se trouve que l'UNEF, dont l'électorat attendait au minimum un comportement d'opposition au gouvernement Sarkozy, a perdu son assise électorale parmi les étudiants "de gauche" qui votent pour eux.

Mais tout cela, Julliard and Co. le savaient déjà bien avant de se lancer dans l'épineux projet de copiner avec la Sarkocratie. Pourquoi donc avoir négocié avec Pécresse, en sachant que cela va contre les fondamentaux de l'UNEF et que l'électorat ne sera pas dupe une seule seconde ? La réponse se trouve dans les modalités de la loi elle-même, et plus précisément dans ce que l'UNEF est parvenue à négocier : non pas un projet pour l'université, mais bel et bien un projet pour l'UNEF. Devant la détermination forcénée d'un gouvernement de stackhanovistes ultralibéraux, le syndicat bayrouiste a négocié la dissolution, et donc la réélection, des conseils centraux étudiants (CA, CEVU et CS), de manière simultanée dans toute la France. Ce cas de figure est extrêmement rare, mais l'enjeu en vaut la chandelle car ce sont lesdits conseils qui votent à leur tour pour les élus CNESER (non, nous ne traduisons pas le jargon technique) qui apportent à leur syndicat des subventions considérables, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'euros par élu et par an, si l'on en croit une source syndicaliste désireuse de rester dans l'anonymat.

On comprend mieux pourquoi l'UNEF, anticipant avec génie le très imprévisible parachutage de Julliard dans les listes PS des municipales parisiennes, avait tout intérêt à foncer vers la caisse. Car ce n'est pas dans la résistance au gouvernement que l'UNEF risque de s'illustrer, et cela ne date pas d'hier. Déjà pendant le CPE l'UNEF avait récupéré la mobilisation pour en fin de compte flinguer Villepin en négociant avec Sarkozy, ce qui lui a servi la présidentielle sur un plateau. Du coup, grâce à Julliard and his underground beautiful punk sexy band, on n'aura pas le CPE mais le contrat unique. Merci les cocos.

Mais revenons à nos brebis. L'UNEF, en perte de vitesse, négocie avec le gouvernement, en abandonnant son projet fondateur, pour mettre la main sur un maximum de subventions et permettre à ses hiérarques de se hisser dans l'organigramme socialiste afin de capitaliser leur engagement dans le cadre d'un véritable plan de carrière. Or, la mobilisation prend de l'ampleur, et les "mouvements sociaux" commencent à pointer leur nez : que peut donc l'UNEF pour ne pas passer aux yeux de ses contemporains pour un aréopage de rabat-joie, boit-sans-soif, peine-à-jouir etc ? La réponse est bien simple : faire diversion.

Le syndicat des jeunes bayrouistes organise donc, simultamément aux cheminots, une mobilisation de grande ampleur, histoire de ne pas rester dans l'ombre au moment des "tensions sociales", histoire de "s'approprier" le mouvement étudiant. Vu les moyens, les contacts et les relais politico-médiatiques dont dispose la bande à Julliard, l'opération ne s'avère pas d'une grande difficulté. Ce qui est moins évident, c'est de faire croire aux étudiants qu'on ne les prend pas pour des cons en négociant une loi à laquelle on finit par s'opposer, mais le but est moins de convaincre les étudiants politisés que de marquer l'opinion.

A ce moment là, l'UNEF confisque la parole médiatique étudiante et délègue ses représentants sur tous les plateaux de télé de France et de Navarre, où ils se défendent tant mal que mal du caractère "politique" de leur mobilisation, contre l'opinion de la majorité des étudiants mobilisés qui resteront dans l'ombre. Et c'est heureux, car le syndicat bayrouiste universitaire n'a pas vraiment la cote chez les étudiants mobilisés depuis belle lurette et qui voient clair dans leur jeu : ainsi l'Assemblée Générale de Paris 8 a-t-elle voté la dissolution de l'UNEF dès le début de l'ingérence de la tribu Julliard dans le mouvement étudiant. Trop émus sans doute, les médias français n'ont pas cru bon d'en faire état.

Ainsi, deux ou trois manifestations et quelques séances de petits fours chez Pécresse plus tard, Bruno Julliard revient sur les plateaux, la bite en fleur, prévenir ses chers kamarades que la mobilisation est finie parce qu'il a obtenu les compensations qu'il désirait (deux ou trois mini-mesurettes, pour le principe). De plus, à l'en croire, ceux qui continueraient de manifester seraient des crétins "irréalistes", qui "décrédibiliseneraient" le mouvement. Un hasard exquis a voulu que les cheminots de la CFDT abandonnent la grève au même moment.

Cette dernière phase du spot publicitaire de l'UNEF nous a offert en outre un grand moment d'humour lorsque l'éternel Bruno Julliard, sur le plateau du Grand Journal de Canal +, se voit poser par un spectateur la question "où est le PS ?". Pour faire de l'humour, Bruno Julliard regarde autour de lui, dans tous les sens, sous sa chaise, dans le public, dans son cul, avant de statuer : "je ne sais pas, je ne le vois pas".

Aujourd'hui, Bruno Julliard est sur les listes du Parti Socialiste aux municipales du 9ème arrondissement de Paris. Le Syndicat Bayrouiste Jacobin, quant à lui, a massivement envoyé ses VRP dans toute la France, et a triomphé sans gloire aux élections des conseils centraux.

Et, même si ça n'a rien à voir, la mobilisation étudiante continue.

Perpétuité

Yvan Colonna est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. La veuve du Préfet Erignac s'en réjouit tout à fait.

La perpétuité est une condamnation qui consiste à enlever à quelqu'un le sens de sa vie ; mais au-delà, le sens du temps, le sens des jours, le sens des mots, le sens de tout geste. Il s'agit donc d'une forme de supplice particulière, qui est un supplice non-violent qui se révèle, en dernière analyse, la plus affreuse de toutes les manifestations de la pulsion sadique-répressive.

Les belles âmes humanitaristes s'indignent face à la survivance de la peine de mort dans beaucoup d'Etats. Ils ne leur vient pas à l'idée que la réclusion criminelle à perpétuité est une peine aussi barbare que la première, quoique procédant différemment.

Serge Coutel, condamné à perpète, dans l'Envolée :

"Quand tu sais que tu es en train de faire perpète, ce n’est pas simplement un jour après l’autre, non : chaque jour, tu fais perpète en entier, avec les souvenirs anticipant de plus en plus tes souffrances à venir. Et cette solidification des heures, quand elles se cristallisent en une gelée vitreuse... Et la vie qui devient une maladie... C’est la plus terrible institution de notre époque que cette justice, fatiguée de surenchérir sur le crime qu’elle prétend punir, ne crucifiant plus, n’écartelant plus, ne dépeçant plus, n’empalant plus, ne brûlant plus et, même, ne décapitant plus. Il n’y a plus ni fer, ni roue, ni gibet, ni bûcher, ni rien. Ce qui remplace tout, c’est le temps. La vie amputée du temps ! C’est ça la prison : du temps infligé dans sa nudité. On ne tue pas, on laisse mourir."

Le même Serge Coutel ajoutait : "J'en ai marre de voir l'assassin amateur condamné par des assassins professionnels. C'est à en vomir, c'est à en pleurer, c'est à en souhaiter la fin du monde".

Un magistrat qui condamne quelqu'un à la perpétuité est un tortionnaire - et, partant, autant un assassin que l'assassin qu'il condamne.

Prisons : un jour il faudra bien les ouvrir...

Alors que Jean-Marc Rouillan, figure d'Action Directe, écrivain, sort enfin de taule (à moitié, non sans avoir été persécuté par une Administration Pénitentiaire au faîte du sadisme crasse), les prisons françaises sont décrites par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) comme des lieux de "traîtement inhumain et dégradant".

A l'occasion de cette semi-libération, les journaux télévisés affichent en médaillon la photo sordide de Rouillan il y a plus de vingt ans, histoire d'entretenir les fantasmes sur ce terroriste rouge. Car il pourrait bien récidiver ! C'est du moins l'opinion du Parquet (qui a plusieurs fois fait appel de sa libération conditionnelle). Bouh la vilaine tête :

Il n'est pas commode, le Rouillan, et il pourrait bien reprendre ses activités subversives ! D'autant plus que la prison, c'est rarissime, n'a pas réussi à le détruire. Ses chroniques et ses livres montrent qu'il n'a aucune illusion sur l'état actuel du monde : dehors, c'est le capitalisme, c'est-à-dire, peu ou prou, la merde.

Le rapport sur les prisons françaises montre donc qu'il s'agit d'un lieu de torture, où les conditions de vie diffèrent finalement assez peu de celles d'un goulag.

"A l’unité d’hospitalisation sécurisée du centre hospitalier de Moulins-Yzeure (Allier), la délégation du CPT a constaté que «les détenus étaient systématiquement attachés à leur lit, sans interruption, le plus souvent avec des entraves aux chevilles et avec une main menottée au cadre du lit». Les demandes formulées par le personnel médical pour les enlever, «afin de permettre les soins dans des conditions médicalement acceptables, étaient systématiquement refusées par les surveillants et les policiers accompagnants»" (source)

On s'la fait à la Alain Badiou ?

Nous, à Sabotage, nous ne disons pas que les prisons françaises ressemblent à Auschwitz. Nous disons que ce dont les prisons françaises sont le nom participe de la grande névrose collective de la répression et de la vengeance qui a abouti à Auschwitz. Partout où les hommes sont isolés et enfermés, il y a la pulsion sadique-répressive - et de ce point de vue, toutes les geôles de l'histoire forment un gigantesque continuum. Ce dont elles sont le nom, c'est l'enfer.

Le Plan B nouveau est arrivé !


On l’attendait, le voici. Le journal le plus intéressant de l’Hexagone est paru de nouveau la semaine dernière. Fustigeant :

- La confiscation de la parole publique par les partis de l’Ordre avec la complicité des médias (en s’appuyant sur le contre-exemple de la campagne présidentielle où un minimum d’égalité est de mise dans les temps de parole entre tendances politiques)

- L’ex-communiste et désormais ultra-néo-libéral-conservateur Jacques Marseille qui s’est fait lécheur de boules de l’UIMM le temps d’un bouquin

- Les médias américains dans leur traitement de l’époque du CPE

- Les médias français dans leur traitement des grèves des transports et des universités

- La virginité gauchiste que les BHL, Philippe Val, François Hollande et consorts ont voulu se racheter avec le meeting au Zénith pour combattre l’amendement Mariani

- L’arrivée au Canard Enchaîné de Jean-Michel Thénard, gros ploucard venu de Libé

- La nouvelle gestion de Sciences-Po, qui permet aux riches de donner aux riches

- Robert Ménard, gros trouffion qui se fait passer pour humaniste avec Reporters Sans Frontières tout en cautionnant les pires excès des pouvoirs en place d'un monde « libre » autoproclamé

Le journal est toujours aussi drôle, cinglant et précis dans ses attaques et autres déconstructions. Que gloire lui soit rendue !

Petit jeu : classez les personnalités suivantes par l’ordre croissant dans lequel le Plan B les fusille :

1. Philippe Val

2. BHL

3. Jacques Marseille

4. Laurent Joffrin

5. Robert Ménard

Quand les pro-Opinion Way contre-attaquent

Le lecteur pro-Opinion Way a des arguments, et des lourds. Nous, on a un petit côté conspirationniste - et on est pas loin de penser que les deux anonymes qui se sont fendus de contre-attaques à notre article sont des salariés de la boîte... Ils n'ont, en tous cas, aucune sympathie pour Sarkozy, bien au contraire ! Ce sont juste des passionnés de la vérité sondagière, n'en doutons pas un seul instant.

"Tu oublies le sondage OPinionway LCI / figaro / metro du 5 mai dernier qui sur 30 Millions de sondés a donné Sarko gagnant avec 53.1% des voix... A ces salops de Droite, ils prennent vraiment le peuple pour des cons ..."


30 millions de sondés ? Ils ont les moyens, à OpinionWay ! Lorsqu'on sait qu'un sondage n'a jamais pour but de prédire un résultat mais de donner une image de l'opinon à un instant T, cet argument va typiquement au rebours de la thèse que l'auteur souhaitait défendre. Car si OpinionWay prétend avoir les clés pour anticiper et prédire les résultats électoraux, alors la preuve est faite qu'il s'agit bien de charlatanisme pur et simple. Ajoutons, comme le signalent les autres commentateurs de l'article, qu'un sondage qui fonctionne avec plus ou moins 2% de marge d'erreur se fout de la gueule du monde en donnant des chiffres au dixième de pourcentage près... Ou comment donner l'apparence d'un savant calcul statistique à des résultats grossiers et vagues. Des chiffres précis, un commentaire pseudo-politologique, et hop, emballé c'est pesé !

La deuxième réaction, toute aussi anonyme que la première, nous provient d'un gentilhomme ayant une "formation socio". Travailleur social ? Sociologue ? Sociopathe ? Nous n'en saurons pas plus. Outre le fait qu'il a "prit le temps de faire des recherches". Bigre ! Si avec ça on a pas l'impression d'être en face d'un scientifique présentant toutes les marques de l'objectivité intellectuelle...

"C'est assez étonnant cet intérêt soudain pour cet institut. De formation socio, je cherchais des avis sur les sondages. Alléché par la promesse de scandale de ce blog, j'ai pris le temps de faire des recherches. Et là, le soufflet retombe et c'est assez agaçant.

Tout d'abord, il est difficile de savoir si un institut de sondage dit vrai ou non, à moins de faire... un sondage ou d'attendre les résultats d'élections."

Brillante idée ! Un sondage pour savoir si les sondages sont fiables... C'était simple mais il fallait y penser. L'autre idée est également intéressante : attendre les résultats des élections pour savoir si le sondage "disait vrai". Notre sociologue en peau de lapin devrait le savoir : un sondage n'a jamais pour but de "dire vrai", ni de prédire quoi que ce soit ; il a pour objectif de mesurer l'opinion et ses mouvements. Si l'on suit le raisonnement de notre chercheur au CNRS, un sondage qui prédirait correctement les résultats électoraux par une nouvelle méthode à base de comptage du nombre de poires et de pommes sur un marché, et après des redressements qui s'imposent (un poireau vaut 1,2 pommes et les ménagères de plus de cinquante ans seront sous-représentées dans l'échantillon final à raison d'une ménagère pour deux artisans-taxi), aurait donc "dit vrai". Peu importe la méthode, nous dit l'ami, seuls importent les résultats. Et si les résultats sont justes, ou concordants, c'est que tout va bien.

Quelle subtile épistémologie... Qui n'est pas sans rappeller le fameux "as if" de Milton Friedman : toute cuisine intello, même la plus fantaisiste, se justifie si ses résultats sont plausibles. Bravo ! Et cet argumentaire est également celui... d'OpinionWay itself ! C'est là que notre théorie du complot nous séduit particulièrement. Car souvenons-nous de la réaction d'OW à leurs bricolages sur les débats internes au PS : "A OpinionWay, on est plutôt contents du résultat : « les chiffres corroborent ceux des autres instituts »". Tant qu'on est pas trop loin des autres, tout va bien.

"Il se trouve que les sondgaes électoraux de cette boîte attaqués avant les élections ont donné des résultats quasi parfaits, et dans la moyenne des autres sondeurs (auraient-ils piégé les urnes ou fabriqué l'opinion ?)."

Des résultats "quasi-parfaits" ? Wahou ! Et "dans la moyenne des autres sondeurs". Quand on pense que les sondages sont déjà de grossières moyennes, être dans la moyenne des moyennes est effectivement un signe de "quasi-perfection".

"Pour ce qui est de leur panel, il est plus réaliste de l'évaluer à 40000 qu'à 2000. Tous ceux qui disposent d'un minimum de formation sur le sujet t'expliqueront qu'avec 40000 personnes c'est déjà difficile de réaliser un sondage par mois alors 2000..."

Tiens, encore du métadiscours du genre "je dispose de la vérité sociologique et pas vous". Marrant, ça. Surtout que l'argument est d'une nullité sans pareille. Que vient faire le "réalisme" dans tout ça ? Quel est le chiffre exact donné par OW sur son super panel ? A partir de quand appartient-on de fait au "panel" en question ? Quand on a cliqué sur un sondage online ? Quand on reçoit un petit cadeau ? Quant à dire que c'est difficile de réaliser un sondage avec 40 000 répondants virtuels, c'est précisément ce que nous disons.

"Comment expliques-tu que Marianne serait mieux informé que les dirigeants de cette boîte et ses clients (crois-moi que dans cet univers les clients ne sont pas des imbéciles et se renseignent). A moins bien sur de considérer que Marianne est un canard totalement indépendant, apolitique et suffisamment professionnel pour ne jamais se tromper (il y a pas mal de tribunaux qui en ont décidé autrement ces dernières années)."

Une première couche dans le genre "On peut pas savoir", "tout est dans tout est réciproquement", "y'a du vrai partout", "personne n'a le monopole de la vérité", etc. Un discours hautement sociologique et rigoureusement scientifique. Un argumentaire béton.

"Aurais-tu un exemple précis d'un résultat sorti par cet institut et qui soit contredit par un autre de façon significative, au même moment, avec une question comparable ?"

Non. Ce raisonnement est d'ailleurs tout à fait pervers. Il revient exactement à celui qui consiste à dire que OW avait fini par sortir, après deux-cent cinquante "politoscopes", comme ils disent, un chiffre concordant avec les résultats de la présidentielle. Ce n'est pas parce qu'il y a un sondage "bon" (avec beaucoup de guillemets) qu'on peut dire qu'OW est globalement fiable. En outre, comparer des sondages entre eux, c'est comparer des échantillons différents, des méthodes différentes, des moyennes et des redressements différents - donc des pommes avec des poires. Quand bien même il y a concordance dans leurs résultats, cela ne démontrerait que mieux l'absence totale de scientificité des sondages.

"Dernière chose, quand on se renseigne sur cet institut, on remarque que s'ils ne sont pas nouveaux, c'est un des plus récents (2000) et qu'ils sont en train de se développer très vite (ça c'est le marketing car le politique ne paye pas), attention à ne pas se faire manipuler par des concurrents qui voudraient s'en débarrasser à bon compte. Ca s'appel de l'intelligence économique, un truc vieux comme le monde. Quand on veut se débarrasser de son chien on dit qu'il a la rage."

Mais bien évidemment ! Sabotage est "manipulé" par Roland Cayrol de CSA (détenu par Bolloré) et par Pierre Giacometti d'Ipsos (présent à la soirée Sarkosy du Fouquet's) !

"Franchement, les sondages ne sont pas parfaits, poser une question plutôt qu'une autre, à un moment plutôt qu'un autre, prête le flanc aux critiques, mais les journalistes ne sont pas parfaits non plus, les sociologues très variables (Elisabeth Teissier a un doctorat !) et l'avis de ma concierge non plus. Quant aux blogs... A ce train là on supprime tout droit à la parole. Les dictateurs de droite comme de gauche se chargent généralement très bien de cette tâche.
Il faut rester vigilants, mais aussi apporter un minimum de preuves et non des suputations sinon, à force de crier au loup et de flinguer tout ce qui ressemble à l'expression du peuple..."

Voilà la deuxième couche relativiste, du genre "On peut pas se prononcer", "les sondages se trompent peut-être mais Yvette Horner aussi (donc c'est pas grave)", etc. Epatante démonstration !

"En 2002 tout le monde s'est foutu de la gueule des sondeurs (en oubliant de remarquer qu'à 0.2% prêt Jospin serait passé devant), cette année ils ont donné des résultats très fiables dès janvier. Ségolène s'est énervée contre les sondages mais si tu vas sur son site partisan segoloscope, tu constateras que lorsque les sondages lui sont favorables, elles les utilise en boucle."

En 2002, les sondages se sont trompés mais ils étaient pas loin d'avoir raison ! Bravo !

"Il faut savoir faire la part des choses. A force de flinguer à tout va cet espace de liberté bien nécessaire qu'est Internet va finir par perdre toute sa crédibilité."

Une troisième couche - "faire la part des choses", "chacun dit sa vérité", "si ça existe c'est que ça doit être vrai", etc. A quand "OpinionWay a droit au respect qui échoit à toute entreprise engageant des personnes humaines" ? Avec de si solides arguments, notre contradicteur ne doit pas se faire de souci pour son doctorat en sociologie électorale.

"Si tu as des exemples précis qui prouvent qu'ils bidonnent, donne-les !!!"

D'un mot, pour finir : OpinionWay ne "bidonne" pas, OpinionWay alimente en chiffres fantaisistes et farfelus des organes de presse de grande diffusion en pratiquant des méthodes totalement dépourvues de scientificité, en orientant les questions et en fournissant des interprétations grotesques et politiquement marquées.


AJOUT 17h00 : Sur le site d'OpinionWay, ce petit mot : "OpinionWay a été injustement mis en cause par Madame Royal dans son livre "Ma plus belle histoire, c'est vous". Les dirigeants ont tenu à lui adresser une lettre de mise au point."

Voici la lettre en question.

Bruno Julliard, futur maire-adjoint de Paris

Bruno Julliard démissionne de l'UNEF. Savez-vous pourquoi ? Parce que Bertrand Delanoë lui a proposé le poste de maire-adjoint de Paris pour 2008.

Pourtant, le nul de l'UNEF, pro-Pécresse et complaisant avec le sarkozysme de façon totalement inédite pour un syndicaliste étudiant, n'aime pas beaucoup le PS : dans le Grand Journal de Denisot, on lui pose la question "Il est où, le Parti Socialiste ?". Julliard se retourne et cherche sous son siège... Sympa !

Julliard était également mandaté, par Pécresse, pour "faire passer" en douceur la loi LRU auprès des syndicats plus radicaux ; en se raccrochant à la mobilisation pour réclamer seulement des "compensations".

Il a également dû s'engager "contre" la loi LRU qu'il avait contresigné pour assurer la réelection des membres de l'UNEF qui a lieu dans quelques semaines...

Quel panache. Bruno Julliard est un homme aux nobles engagements, qui ne transige pas avec ses convictions personnelles, et ça fait zizir.

Pour en finir avec Opinion Way

L'heure est enfin venue pour nous, Sabotage, d'évoquer le cas d'une institution d'aujourd'hui que l'on ne sabotera jamais assez et qui porte le doux nom d'OpinionWay.

Il suffit de taper Opinion Way sur le moteur de recherche du gratuit Métro. Les résultats ? "Les Français plebiscitent la majorité" ; "Le gouvernement Fillon 2 plaît aux Français" ; "Les Français satisfaits à 64% de l'action de Sarkozy", etc.

Tentons la même opération au Figaro. "Les Français demandent à l'exécutif de ne pas céder" ; "Les Français plebsicitent le style et l'action de Sarkozy" ; "Politoscope : la nomination de François Fillon approuvée" ; "Politoscope : Sarkozy plus crédible que Royal" ; "Sarkozy creuse l'écart avec Royal", etc.

Réitérons, parce qu'on comprend vite mais qu'il faut nous expliquer longtemps, l'opération sur LCI, autre client d'Opinion Way. "Trois quarts des Français convaincus par Sarkozy" ; "Les réformes, il faut les faire !" ; "Débat : Sarkozy jugé "le plus convaincant"" ; "Sarkozy convaincant, même à gauche" ; "L'ouverture, les Français aiment ça" ; "Sarkozy grand gagnant de la semaine", etc.

Opinion Way bouffe du Sarkozy tous les jours, à toutes les sauces. C'est également Opinion Way qui a établi que "les Français" n'étaient pas choqués par les vacances sur le yacht de Bolloré ; ou qu'ils approuvaient en masse le fameux "Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale" et les bienheureux tests ADN (relire notre article sur ce sujet).

Le sondage est une technologie de maîtrise symbolique des opinions et des représentations médiatiques de la politique. Nicolas Sarkozy l'a bien compris, qui, en plus de consommer plus de sondages et d'enquêtes qu'aucune autre bête politique, s'est tout simplement créé un institut de sondage bien à lui - c'est pratique.

La société de sondage Opinon Way est dirigée par Hugues Cazenave. Celui-ci travaillait précédemment à Infométrie, boîte de conseil en communication politique qui a déjà eu pour client l'ancêtre de l'UMP : le RPR. "Quand je rencontre mes clients du RPR ou du CDS, explique Hugues Cazenave, directeur général d'Infométrie (conseil en communication politique), je dois montrer que j'appartiens au même monde qu'eux", explique l'homme à l'Expansion - c'est Sabotage qui souligne.

Quel était exactement le "coeur de métier" d'Infométrie ? "Cette dernière société a été créée vers 1980 par deux universitaires, Jean-Marie Cotteret (qui fut membre du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel de 1985 à 2001), et Gérard Ayache, actuel président [...]. Infométrie semble maintenant plutôt spécialisée en optimisation de sites web, mais elle était à l'époque « conseil en communication politique ». Il semble que M Cazenave ait été un « coach » de l'UMP concernant la « lexicologie », c'est à dire le bon langage à utiliser pour toucher les foules." peut-on lire ici.

Quant au Canard Enchaîné, il révèle que Cazenave a tout simplement commencé sa carrière au cabinet de Gérard Longuet en 1986 (source). Gérard Longuet est un RPR-UMP, ancien d'Occident (le groupuscule d'extrême droite où était également Devedjian et quelques autres), et accessoirement beau-frère de Bolloré himself.

Comme tout homme de droite, Cazenave dispose de beaucoup d'amis à droite. Au sein de la société Novosphère, qu'il codirigeait, on compte parmi les administrateurs
Thierry Laurens et Alexandre Basdereff, proches de Jacques Chirac, ou encore un conseiller municipal UMP du 17ème arrondissement (source, 25/05/2007).

Bref. Un homme de droite, travaillant avec la droite : jusque là rien de choquant. Le cas de Cazenave est assez répandu. Les instituts de sondage sont des entreprises à but lucratif, on voit mal pourquoi leurs dirigeants seraient de grands déontologues au coeur gros comme ça. Quand bien même le chef de l'institut est également "lexicologue" pour l'UMP ? Quand on dirige une entreprise médiatique, on tente un minimum de se donner une apparence d'indépendance. Visiblement, Cazenave s'en tape. De même que Lagardère ne nie pas être le "frère" de Sarkozy.

Les méthodes d'Opinion Way, qui donnent de si (d)étonnants résultats, sont il est vrai légèrement spécifique. Car ces sondages, qui sont éructés en Une du Parisien, de Métro ou du Figaro, ou bien assénés dans quelques journaux télévisés ; et bien ces sondages se font, tenez-vous bien, par internet. En échange de cadeaux. Un procédé on ne peut plus scientifique et objectif (quand on pense que même les sondages traditionnels, faits in vivo et sans cadeaux sont à peu près aussi scientifiques que la méthode de relaxation par ouverture des Shakras, ça prête à sourire).

Dans un Stratégie de 2001, voici ce que répond Cazenave :
“Les internautes sont-ils rémunérés pour participer aux enquêtes ?

Hugues Cazenave : En général, oui.
Les Français savent que leur avis a une valeur. Proposer un incentive (ces cadeaux, promotions, points de fidélités que nous offrons aux gens en échange de leur participation à nos enquêtes) est devenu incontournable. Mais il convient de suivre quelques règles : choisir l’incentive qui correspond à sa cible (une bouteille de vin séduira plus les hommes que les femmes), savoir le doser en valeur (un cadeau trop cher attirera un certain type de population), etc. De manière générale, la pratique de l’incentive devrait se généraliser, quel que soit le type d’étude. C’est la seule façon de lutter contre la baisse tendancielle des taux d’acceptation des enquêtes sur échantillon.

Les
résultats ne risquent-ils pas du coup d’être un peu faussés ?

Hugues Cazenave : Soyons clairs : il n’y a pas d’étude parfaitement neutre. Mais ne nous y trompons pas : ceux qui acceptent de répondre sans incentive ont également un profil un peu marqué : ils sont généralement âgés ou à la retraite, etc.”
(source)

En un mot : on peut faire n'importe quoi, tout bien mélanger dans un grand shaker sarkozyste, peu importe puisque de toutes les façons on est jamais neutre à 100%. D'ailleurs, Opinion Way est fondé par des anciens d'Ipsos et est membre du SYNTEC (syndicat patronal de la branche d'activité des études informatiques et technologies de l'information), branche du Medef (dont la présidente est Laurence Parisot) - (source). Neutre ? Certes non ! Mais puisque c'est par nature impossible, assumons notre gai sarkozysme !

Il nous semble qu'il faudra rappeller à Opinion Way qu'un sondage qui se fonde sur la volontariat et la rémunération des répondants fausse de façon ahurissante ses résultats. Tout le monde ne dispose pas d'une connexion internet. Tout le monde n'a pas envie de répondre à des dizaines de questions hebdomadaires portant sur le "style" de Nicolas Sarkozy et de son fringuant gouvernement (naïvement, on serait tenté de dire que les militants UMP doivent être plus motivés à partiticper à Opinion Way que, disons, les artisans taxi n'ayant aucun intérêt pour la politique). D'autant que l'internaute peut dire à peu près ce qu'il veut sur sa catégorie socio-professionnelle, son âge, son sexe et son "background politique" (et d'ailleurs, la gauche et les sympathisants de gauche adorent Sarkozy, avec Opinion Way).

Cazenave, "lexicologue", sait très exactement quels termes il faut choisir pour faire dire à un pseudo-sondage ce qu'on veut qu'il dise. C'est ce que disaient Rebsamen et Bianco, les deux codirecteurs de campagne de Royal après le débat : Opinion Way avait volontairement choisi ses termes pour favoriser la soi-disante maîtrise de soi de Sarkozy contre l'impulsivité de Ségolène Royal. Si le terme en avant avait été "dominé" - (qui a dominé le débat ?), le résultat n'aurait sans doute pas été le même qu'avec le mot "maîtriser". On connait les autres biais des instituts de sondage : "Acceptez-vous d'être pris en otage par les grévistes ?", etc. Soyons-en certains, Opinion Way ne se prive pas de ces grossières ficelles pour créer des sondages qui fonctionnent comme autant de self-fulfilling prophecies.

Opinion Way fonde ses "sondages" sur un super-panel d'internautes. La méthode de l'institut sarkozyste a récemment été disséquée dans un hebdomadaire centriste-libéral, celui de Jean-François Kahn, et la scientificité des méthodes et l'objectivité sautent aux yeux :

"Y a-t-il un militant dans la salle ?
Deux jours après le premier débat socialiste du 17 octobre, Le Figaro titre donc « Le débat avantage DSK sans détrôner Royal ». Argument : l'enquête OpinionWay, publiée à grands renforts de graphiques, place Ségolène Royal en tête avec 63% des suffrages, suivie d'un DSK à 32% et d'un Laurent Fabius dans les limbes à 5%. Mais déjà, la première nuance pointe son nez dans une notice écrite en tout petit au bas de l'étude. Les personnes interrogées sont des « sympathisants socialistes » - comme c'est le cas chez tous les instituts de sondages - et non des militants ou des adhérents. Elles n'ont donc aucun lien avec ceux qui mettront effectivement leur bulletin dans l'urne du Parti pour en désigner le candidat. Interrogé, Bruno Jeanbart, directeur des études politiques et responsable de ce sondage chez OpinonWay, nous explique d'ailleurs ce qu'est un « sympathisant » : « c'est quelqu'un qui se déclare proche des idées du PS ». Sans autre preuve que sa bonne foi…

Un PS très sympathique
Allons plus loin. D'où sortent ces « sympathisants » ? Ils sont extraits du « New panel», un vivier d'environ 2000 personnes, que l'institut de sondage interroge régulièrement… uniquement par Internet. Sur 2000, ils étaient environ 600 à se sentir « proche des idées du PS », soit 30%. Un chiffre plutôt encourageant pour les socialistes : si on l'étendait à la France entière en âge de voter, on obtiendrait environ 15 millions de « sympathisants PS » ! Si ce n'est que le Parti socialiste n'offre pas de chèques cadeaux. A l'inverse, OpinionWay n'hésite pas à rémunérer ceux qui répondent à ses questions par des avoirs, appelés « beenz », qui varient généralement entre 30 et 100 euros. Mais Bruno Jeanbart assure que cela ne modifie pas les résultats. Tant mieux, car la suite est encore plus troublante.

Plus fort que la Star'ac
Sur ces quelques 600 sympathisants, 401 ont regardé le débat du PS. Un audimat record, qui ne lasse pas d'étonner si on le compare à l'audience nationale du fameux débat. Selon Le Parisien-Aujourd'hui en France, environ 680 000 personnes ont en effet regardé le premier show du PS, le mardi 17 octobre. 250 000 sur LCI, 430 000 sur La chaîne parlementaire et BFM TV. Une audience très faible qui n'a rien d'étonnant. D'une part, seuls 40% des Français reçoivent l'une de ces trois chaînes, d'autre part le débat n'intéresse pas tout le monde. A l'inverse, près des deux tiers des sympathisants PS sondés par OpinionWay ont regardé le débat. Or si les deux tiers des sympathisants socialistes, au sens défini par le sondeur, en avaient fait autant dans la réalité, ils auraient donc été 10 millions devant leur téléviseur ! Cherchez l'erreur...

Résumons nous : c'est donc sur la base d'un panel de 401 « sympathisants » PS, tous équipés d'Internet, ayant tous accès à des chaînes non hertziennes – et à ce titre tout à fait représentatifs de la population - bénéficiant de chèques cadeaux s'ils assurent avoir regardé le débat, que Ségolène Royal s'est donc retrouvée en tête selon LCI et Le Figaro. A OpinionWay, on est plutôt contents du résultat : « les chiffres corroborent ceux des autres instituts ». Et en plus « le sondage n'a pas été vendu à perte ». Tout est dit."

On aimerait ajouter quelque chose, pour ne pas laisser notre sympathique lecteur sur les palabres d'un gratte-papier de la rédaction de JFK, mais il n'y a visiblement rien à ajouter. Voilà l'exploit d'OpinionWay : rendre pertinent et """poil à gratter""" l'une des publications les plus réactionnaires de l'Hexagone. Applaudissons !

Le dernier CQFD est sorti !

A savourer dans cette excellente livraison du canard marseillais :

- Un défonçage de Michel Onfray : "Qu'est-ce qu'Onfray sans lui ?". En tant que saboteurs, nous aurions certes rajouté pas mal de choses contre le gros porc de l'hédonisme cheap, mais c'est un excellent début.

- Un dossier sur la prison, sujet rarissime dans la presse du système. Et cette prouesse de créer un parloir sauvage, où les taulards ont pu discrètement faire passer leurs lettres à la rédaction grâce à des proches... Un truc à refaire et à institutionnaliser. Sans parler de l'interview de ces héros qui font l'Envolée, le canard carcéral censuré par l'Administration Pénitentiaire...

- Dans le courrier des lecteurs, cette anecdote : un lecteurs tague gentiment une affiche locale de l'UMP avec les mots "Union pour un Monde Précaire". La flicaille l'interpelle : "Avez-vous bu de l'alcool ou pris des produits stupéfiants ? Vous ne savez pas ce que c'est que la démocratie ? Vous êtes de gauche, c'est ça ? Vous êtes communiste ?". La police se politise de plus en plus, en plus de devenir un repère d'intellectuels post-situationnistes.

- On ne citera même pas ce qui fait la chair de CQFD, toutes les brèves au vitriol, les encadrés et les citations, autant de coups de ciseaux jouissifs dans la lisse étoffe du Parti de la presse et de l'argent.

Bref, que ceux qui ne comptent pas verser 2 €, oh, pardon 3 € (apparemment ça a augmenté, ces gratte-papier bolcheviks n'ont donc aucun scrupule ?) pour s'offrir CQFD se tirent immédiatement de ce blog.

Anti-grévistes, vos gueules

Cet excellent manifeste, ravageur et catastrophique pour le discours médiatique et politique dominant, a été exhumé par le Kamarad Vive le Goulag sur ce blog d'Alternative Libertaire. Un joyau, une merveille, un tas de merde délicatement déposé sur le crâne de Christine Bravo et sur tous les acolytes du système, en passant par le pouvoir médiatique, France Sphincter et Rance Culture en tête.


Anti-grévistes, vos gueules

La grève des transports pour la défense des retraites donne l'occasion à la droite de vomir sa bile haineuse. Micros et caméras pataugent dans la fange des inepties des anti-grévistes. Il faut répondre aux pires de ces délires.

"C'est une prise d'otages!". Non. Une prise d'otage, c'est si on t'enferme dans une cave, menotté au mur, cagoulé, et que régulièrement on vient te foutre un pistolet sur la nuque en te menaçant de te buter parce que ta famille ne paye pas. C'est ça, une prise d'otage. Là, il s'agit simplement d'une grève.

"On nous empêche de travailler!". Non. Il n'y a pas de piquet de grève devant chaque entreprise. Personne n'est empêché de travailler. Simplement il faut nous démerder tous seuls pour nous déplacer, sans les cheminot-e-s et les traminot-e-s. Au passage, la situation illustre l'absurdité totale de l'aménagement du territoire qui consiste à loger les travailleurs et travailleuses à l'est de Paris et à placer leurs entreprises à l'ouest. Si habitation et travail étaient plus harmonieusement organisés, les transports ne poseraient pas tant de problème.

"Supprimer les régimes spéciaux, c'est une question d'équité". Non. C'est une question de dumping social. L'équité, ce n'est pas aligner sur le pire régime, mais sur ce qu'on peut faire de meilleur pour le plus grand nombre. Et l'équité n'est pas non plus à géométrie variable. Si la préoccupation réelle du gouvernement Sarkozy était l'équité, il instaurerait un salaire unique. Puisque tou-te-s les travailleurs/euses sont sensés cotiser le même temps pour leur retraite, pourquoi donc ont-ils et elles des salaires différents?! Voilà pour le coup qui est bien inéquitable! Allez, hop, tout le monde aligné sur le salaire moyen (1903 euros par mois en 2005), y compris le président de la République qui vient de se tripler son salaire pour gagner 10 fois ce salaire moyen!

"La mondialisation oblige à supprimer les régimes spéciaux". Non. Ceux et celles qui pensent ça sont donc prêt-e-s immédiatement à toucher un salaire chinois ou indien, puisqu'"avec la mondialisation on n'a pas le choix"? Bonne nouvelle pour leurs collègues qui vont pouvoir se partager la différence! La mondialisation n'est qu'un prétexte pour cacher des choix purement idéologiques.

"Avec l'allongement de la vie, il faut bien travailler plus longtemps". Non. La productivité augmente plus vite que l'espérance de vie. Donc la richesse existe pour financer largement cet allongement de l'espérance de vie. Simplement il y a un choix politique idéologique: laisser les capitalistes, les actionnaires, les possédants, accaparer cette richesse supplémentaire au lieu de la distribuer à ceux et celles qui ont contribué à la produire.

"C'était une promesse de campagne, être contre est anti-démocratique". Non. La démocratie, ce n'est pas tout est à prendre ou à laisser. La démocratie, c'est l'élaboration collective du fonctionnement de la société. Il n'y a pas de débat sur cette question, mais un passage en force du fait d'une lubie d'un seul homme. La démocratie, ce n'est pas un chèque en blanc.

"L'opinion publique est contre cette grève, les sondages le prouvent". Non. Un sondage n'a jamais rien prouvé. Tout dépend de la manière dont on pose la question. Demandons si vous pensez normal de travailler plus pour gagner moins. 99% de Non! Donc 99% de gens contre la contre-réforme des retraites de Sarkozy.

Alors les anti-grévistes, vos gueules! Arrêtez vos arguments de pilier de comptoir sans logique. Faites-vous greffer des neurones! Et soutenez plutôt ceux et celles qui sont en train de se battre pour le droit à la retraite de tous et toutes.

Car il faut être soit complètement stupide, soit totalement malhonnête pour imaginer que le gouvernement Sarkozy s'arrêtera aux régimes spéciaux. C'est l'ensemble du régime de retraite par répartition qu'il veut détruire pour faire plaisir aux actionnaires des assurances privées. Dès qu'il en aura fini avec les régimes spéciaux, c'est le régime général qui passera à la moulinette de l'allongement de la durée de cotisation (encore!) et de la réduction des pensions (encore et toujours!). Alors bien sûr que c'est chiant, crevant, exaspérant de devoir se débrouiller sans les transports en commun pour se déplacer. Mais les responsables, ce sont les saboteurs des retraites: Sarkozy, Fillon et Bertrand.

Battons-nous maintenant si nous ne voulons pas bosser jusqu'à ce que mort s'en suive!

Grève : la pensée de droite au piquet

Vous avez raté le "traîtement médiatique" des grèves des cheminots et des blocages étudiants ? Pauvre de vous ! Quel spectacle... Le journaliste s'est lâché, il s'est offert un véritable défonçage gore des "privilégiés" qui font la grève, il a explosé tous les records de violence et a enfin pu lapider médiatiquement les "preneurs d'otage", et putain ça lui a fait du bien !

Lâchage intégral, donc, pour les journaleux ; lynchage intégral pour les grévistes, par conséquent : Jean-Pierre Pernaud, Jean-Marc Morandini, Jean-Pierre Elkabbach (cliquez, cliquez ! Découvrez le beau visage de la France journalistique qui travaille)... Sans parler de la présentatrice de LCI (où tous les "télés(p)ectateurs" interrogés bourrinaient la gueule de Maryse Dumas (CGT) et encensaient "l'équité de la réforme", promue par Jacques Marseille, l'ancien tiers-mondiste devenu sarko-historien de la fin de l'Histoire néolibérale).

Même Christine Bravo, brave chroniqueuse insignifiante sur France 2, hurlait à la représentante des étudiants "Mais est-ce que c'est DEMOCRATIQUE d'empêcher les gens qui veulent bosser de bosser ?". Réponse timide de la jeune vierge : "C'est un faux débat...". Hurlement de Bravo : "Mais REPONDS-MOI, est-ce que c'est DEMOCRATIQUE ?". Bafouillements, évidemment.

Nous, à Sabotage, on aurait suggeré cette réponse : "Non, c'est pas démocratique. La logique de mouvement social n'est pas une logique de démocratie participative. C'est une logique de rapport de force. Point barre." De quoi assécher le gosier furibard de l'intellectuelle Christine Bravo...

N'oublions pas non plus le héraut masqué des luttes néolibérales : Jean-Michel Aphatie. Un pinochetiste échevelé derrière une bouille de méridional débonnaire... L'analyse d'Aphatie, très souvent, consiste en un culturalisme français, sur le mode "En France on est comme ça", "Nous sommes le pays de la grève et des conflits", "Cocorico, nous nous prenons pour les maîtres du monde", etc. Une sorte de raillerie permanente contre les "prétentions françaises", la "culture française" antimondialiste et soviétisante.

Cet idéologème culturaliste, essentiellement fallacieux (postuler une "culture française" de la grève et du conflit revient à essentialiser, voire à génétiser des comportements socialement construits, à unifier sous la férule d'un signifiant-maître des multitudes de comportements éclatés et différenciés, etc., etc.) a une origine bien précise. La sociologie libérale française des années 1980, en la personne de Michel Crozier.

Lisons ensemble les joyeux titres de la bibliographie de Crozier : "Le Phénomène bureaucratique, Paris, Le Seuil, 1963" ; "La Société bloquée, Paris, Le Seuil, 1971" ; "On ne change pas la société par décret, Paris, Fayard, 1979", etc., le reste est à l'avenant. L'idée de Crozier : il y a une "culture française", essentiellement bureaucratique, qui bloque la société. "En France", les choses se passent par le conflit, c'est une spécificité, c'est dans nos gènes.

Aphatie ne fait que reprendre cette vision vieillotte et sociologiquement disqualifiée, sans s'en rendre compte, bien évidemment - inculture oblige.

Or, l'image de la France comme ultime Corée du Nord au coeur de l'Europe, comme pays de la Grève et du conflit social, comme bastion des syndicats staliniens paralysants s'effrite un peu plus : "Le mythe d'un pays gréviste" est totalement déconstruit dans cet article de Libération (source). Et avec ce texte, c'est tout un pan mobilisateur de la pensée de droite qui s'effondre...

"La France serait une nation «grévicultrice» : le pays du «droit de paralyser» (le Figaro, 17 février 2004), qui préfère la «guerre sociale aux compromis» (le Monde, 26 mai 2003) et souffre d’une «forme d’infirmité que ne partagent pas nos voisins européens» (Christine Ockrent, les Grands Patrons, 1998) car «nul autre pays occidental ne se comporte ainsi» (l’Express, 5 juin 2003). Un bref rappel de la réalité historique et statistique de ce phénomène n’est donc pas sans intérêt.

Premier élément du mythe, la France serait un pays de grévistes. Le nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève était de 4 millions en 1976, 3,5 millions en 1984, 2,1 millions en 1988, 900 000 en 2000, 1,2 million en 2005. En dehors de pics spécifiques (1982, 1995, 2001), l’ampleur et la fréquence des mouvements sociaux ne cessent de diminuer alors même que la population active ne cesse d’augmenter. La fonction publique se substitue par ailleurs progressivement aux salariés privés dans le cadre des conflits sociaux. En 1982, 2,3 millions de journées grevées étaient comptabilisées dans le secteur privé, pour 200 000 seulement dans le secteur public. En 2005, 224 000 dans le privé pour 1 million dans le public. La part du public dans les mouvements sociaux est passée de 3 % dans les années 70 à 30 % à la fin des années 80 puis à 60 % à compter du milieu des années 90.

[...] Dans le secteur privé, les 224 000 journées de grève en 2005 représentent, à l’aune d’une population active de 16 millions de salariés, 0,01 journée par salarié et par an. Sur une carrière professionnelle de quarante années, un salarié français fera donc grève moins d’une demi-journée, un fonctionnaire moins de quatre jours. Des chiffres à comparer avec les trente-trois millions de journées non travaillées pour cause de maladie en 2005. La grève apparaît cent quarante-sept fois moins pénalisante pour notre économie que les arrêts maladies. La réalité est donc fort éloignée des phénomènes massifs souvent évoqués.

Second élément du mythe, la France recourrait davantage à la grève que ses voisins. Sur la période 1970-1990, la France est onzième sur les dix-huit pays les plus industrialisés en termes de journées non travaillées pour fait de grève. Avec 0,15 journée grevée par salarié et par an, elle est 7,6 fois moins conflictuelle que l’Italie (première), 3,2 fois moins que le Royaume-Uni (septième), 1,6 fois moins que les Etats-Unis (huitième). Sur la période récente (1990-2005), la France demeure onzième sur dix-huit, avec une conflictualité qui s’est effondrée (0,03 journée de grève par salarié et par an) et demeure toujours inférieure à la moyenne (0,04 journée grevée). Les modèles nordiques – réputés en France pour la qualité du dialogue social qui y régnerait – se situent en tête du classement : le Danemark est premier, la Norvège quatrième et la Finlande septième. Ainsi la «flexsécurité», tant vantée par les dirigeants français, semble caractérisée par un niveau de conflictualité nettement plus important. Un paradoxe qui ne semble pas intéresser les défenseurs de son introduction progressive dans notre pays. La France, en dessous de la moyenne des pays industrialisés, n’est certainement pas le berceau de la «gréviculture» décriée par nos médias et nombre de nos politiques.

Troisième élément du mythe, les grèves françaises se caractériseraient par des journées nationales destinées à paralyser l’activité économique. Sur la période 1970-1990, les conflits localisés représentaient 51,2 % des journées non travaillées pour fait de grève, loin devant les 34,9 % de conflits généralisés (propres à une profession) et les 13,9 % de journées nationales d’action. Sur la période plus récente (1990-2005), les conflits localisés représentent 85 % des grèves, pour 14 % de conflits généralisés et seulement 1 % de journées nationales ! La France est treizième sur dix-huit en termes de mobilisation des grévistes. Que pouvons-nous en conclure ? Pays le plus faiblement syndicalisé de l’Union européenne, marqué par un taux de chômage élevé et une hostilité croissante des médias à l’égard des mouvements sociaux, la France n’est pas un pays de grévistes. [...]"

Ce texte qui délabre violemment les impensés droitiers est signé François Doutriaux, enseignant en droit privé. Il est sacré Saboteur du jour. Les hystéries et lynchages médiatiques et droitiers contre les grèves sont tout simplement une façon de construire (et de fantasmer) un prétendu soviétisme français pour mieux pouvoir équarrir l'Etat social. C'est le même procédé qui est à l'origine de bien des fabulations droitières : le fantôme de la dette publique, ou encore le mythe du trou de la sécu. Autant d'idées-forces, fausses, qui structurent la pensée de droite et l'autorisent aujourd'hui à concentrer tous les pouvoirs...

On aurait pu penser que le rôle des journalistes serait, précisément, de déminer ces préjugés et ces mensonges. Las, ils s'en donnent à coeur joie pour les renforcer et les sédimenter comme autant de manifestations d'un "bon sens" populaire.

Saboter ces mythes, voilà notre viatique... Et en attendant, grève illimitée !

La légitimité, on s'en fout



C'était beau ! Une meute d'une centaine de CRS dressés pour mordre formés à obéir se sont lâchés ce matin sur les étudiants en grève de Paris X, à Nanterre. Visiblement émus, les hommes en bleu n'ont pas manqué de tabasser les bloqueurs et bloqueuses, leur faisant ingurgiter leurs grosses semelles ainsi que force gaz lacrymogégène. Car malgré l'apparence pacifique des jeunes, les CRS n'ont pas longtemps été dupes : il s'agissait bel et bien de racaille ultraviolente, de chiens bolcheviks - bref, des gens très "politiques", comme dit Pécresse.

Grâce à l'intervention de ces fonctionnaires rémunérés par le contribuable, une fière minorité d'étudiants a pu faire valoir son droit inaliénable à la routine et au train-train quotidien. Un droit que le gouvernement Sarkozy est en passe de rendre opposable. Beau joueur, Sabotage va donc s'intéresser à ces drôles de zigs, les jeunes "anti-blocage", les étudiants anti-étudiants qui, tout aussi "politiques" que leurs camarades, n'en jouissent pas moins de quelques curieuses spécificités !

Ces hédonistes décomplexés ont ainsi moultement applaudi le tabassage en règle des odieux gauchistes, prouvant par là leur attachement à une certaine idée de la jeunesse. Une jeunesse inféodée à des valeurs de vieux, à une société de vieux, à un ordre tenu par des institutions et des entreprises de vieux, une jeunesse qui veut s'user au travail, une jeunesse responsabiliste, moraliste, grégaire, conservatrice, amie de la propriétéprivéed'autrui et dont les borborygmes illustrent l'existence, dans notre société, d'un droit, le droit opposable à avoir une vie de merde et à le revendiquer.

Ces zouaves qui se gargarisent de la violence policière tout en dénonçant le violent, l'insupportable "terrorisme" des bloqueurs, dénient au mouvement anti-Pécresse toute forme de "légitimité". Le procédé n'est pas nouveau ; toute tentative de mobiliser en bloquant les institutions ou moyens de production s'est depuis belle lurette heurtée à d'interminables procès en "légitimité", du Front Populaire au CPE. Car c'est qu'ils s'imaginent que le plus grand souci de nous autres trublions est de respecter une légitimité instituée par les organismes que nous comptons combattre. Etonnant !

Il faudra leur expliquer que la logique de mouvement social est une logique de désobéissance qui se contrefout de "respect" et de "légitimité", qui utilise a contrario tous les moyens - a priori non violents - pour peser et influer sur les décisions des dirigeants. C'est un peu comme si on avait demandé aux résistants pendant l'occupation de légitimer leur "terrorisme" aux yeux de Pétain. La légitimité aux yeux de Sarkozy, de la Cinquième République, du RED et du GUD, on n'y tient pas trop, et nous sommes même fiers de s'asseoir dessus.

Un autre procès récurrent consiste à présenter les bloqueurs comme d'immondes antidémocrates. Car, aux yeux innocents de ces tout-petits, la démocratie consiste à élire un grand timonier tous les cinq ans et à fermer sa gueule pieusement pendant qu'il agit librement. Notre conception à nous, Sabotage, diffère légèrement.

Comme dans tout autre système, l'ordre dans une démocratie repose sur un rapport de forces. Le fait d'élire à la majorité absolue le Président, par exemple, est une manière de dire "on est plus nombreux derrière lui, donc plus forts". La "démocratie" française est en fait le droit du plus fort car plus nombreux. Bien. Là où la grève joue un rôle intéressant, c'est lorsqu'elle déplace le rapport de forces, fonctionnant exactement sur le même principe que le scrutin. Faire valoir sa capacité à bloquer les facs ou les moyens de transports, c'est une manière de dire "vous êtes plus nombreux, on est plus motivés, donc plus forts". Les idéologues du monde tel qu'il est beuglent "mais on est plus nombreux", et ne cessent d'appeler au cassage de gueule des grévistes et autres bloqueurs, hurlant avec les loups qui président nos universités. Qu'à cela ne tienne ! Nous les attendons de pied ferme.

Là où ça devient plus problématique, c'est lorsque certains grévistes se justifient bec et ongles en se prévalant d'une illusoire "légitimité". Combien d'AG ont commencé et commencent encore par des soporifiques "nous, Assemblée Générale étudiante légitime" et nous lestent de la lourdeur éléphantesque des peine-à-jouir antiblocage ? Pourquoi perdre notre temps en pirouettes sophistes pour justifier notre action a priori ? Car il est bien évident que nous ne convaincrons jamais les neuneus pour qui le "droit à l'enseignement" consiste à avaler la loi Pécresse sans se poser de questions.

Il n'y a donc guère que les peine-à-jouir et professionnels[autoproclamés]delacontestation de l'UNEF (nous reviendrons plus en détail sur leur cas) qui aient intérêt à nous seriner avec des discours péteux et légitimistes. Oui, l'UNEF, qui négociait avec Sarkozy il y a à peine plus d'un an à l'époque du CPE. Histoire de lui servir la présidentielle sur un plateau.

Nous avons aujourd'hui une grande occasion de faire trembler les puissants, nous en priver serait criminel. Ajoutons une profession de foi saboteuse : nous soutenons sans réserve ces mouvements de grève et de blocage dans la mesure où ils ne visent pas seulement la merdique loi Pécresse, mais participent d'une jonction des luttes contre le sarkozysme qui bouffe la joie de vivre et, d'une manière plus générale, contre la petitesse collabo de la vie que d'autres, aujourd'hui disparus, ont voulu nous tracer. La lutte doit être généralisée. En avant !

Que le bordel soit

En page deux du quotidien néolibéral de droite complexée Libération figure cette phrase, qui nous a fait l'effet immédiat d'un mot d'ordre : "C'est la hantise du gouvernement : qu'un mouvement étudiant opère la jonction avec les salariés et les fonctionnaires, dont la manifestation est prévue le 20 novembre."

Délectons-nous un moment : le 13 novembre à 20 heures, c'est la guerre grève. Grève des métros, des trains, contre un régime qui fait de la casse sociale à la bombe H. Le 20 c'est la grande manif. Entre temps, si tout va bien, les facs seront bloquées et les "grèves actives" (comme celle décrétée par les géniaux étudiants de Paris 8 Saint-Denis) s'y multiplieront contre la loi "LRU" de la bourgeoise Pécresse.

On pourrait rajouter à tout ça les mouvements contre les franchises médicales, la colère des magistrats, de l'Opéra de Paris, des gardiens de prison, et même de la maison Poulaga, "déprimée" (inutile de préciser que Sabotage ne soutient pas les mouvements revendicatifs abjects de ces deux dernières catégories de créatures humaines).

Erection : si tout le pays sombrait dans le bordel ? Si Sarkozy était obligé de céder, et de s'asseoir sur ses péroraisons de roquet qui montre ses muscles ("J'céderai pas ! Jamais ! ") ? Si Fillon s'inclinait, la queue entre les jambes et la face perdue ?

Grévistes, prenez-nous en otage ! Nous le voulons ! Paralysons le pays ! Brisons la routine ! Tous-ensemble-tous-ensemble-ouais ! Jonction des luttes ! Grève générale reconductible ! Dissolution de l'UNEF (une idée encore une fois géniale des beaux subversifs de Saint-Denis) ! Que le bordel soit !

Rachidamenti

Malgré notre ferme intention de ne plus parler de Rachida Dati, dont nous sommes devenus en quelque sorte l'Observatoire Officiel, il est impossible au saboteur sachant saboter de ne pas évoquer, le sourire en coin, les derniers chambardements du rachidadaïsme contemporain. Ainsi, après notre déconstruction du système des peines plancher, preuve d'une incompétence sidérante ; après notre décryptage du lamentable projet carcéral de Rachida, place à l'actualité, la vraie, la brute, la brutale : il est aujourd'hui avéré que la chienne de Garde des Sceaux a bel et bien triché pour son entrée à l'ENM, et qu'elle exerce en plus des pressions sur les organes de presse qui le soulignent. Une paille !

Dans la droite lignée du Reichskanzler (dont tout le monde connaît les frasques avec Match, le JDD, le Monde, TF1, France 2, France 3, Canal+, M6 et, dans un autre registre, le Figaro), Rachida a jeté son dévolu cette semaine sur l'Express et Le Canard Enchaîné. Le premier, qui avait révélé le pot aux roses, a carrément reçu un déluge d'appels de la part des membres du cabinet de la fébrile Dati (qui, pourtant, n'a "rien à se reprocher"). Le compte-rendu, édifiant, est disponible sur le blog du pourtant très sarkozyste Christophe Barbier. Le Canard Enchaîné, dans son édition d'hier, reproduit le "CV" de la menteuse, qui porte cette anodine mention : "MBA du groupe HEC - Ancienne élève de l'ISA". Le tour est joué : le "MBA" est bien mentionné. Quel talent ! Dans le même ordre d'idée, pourquoi ne pas spécifier "ancienne lectrice de Zola", "ex-fan d'Yvette Horner" ou encore "née le jour anniversaire de l'invention des allumettes à friction" (véridique) ? Là encore, Rachida vocifère auprès de la rédaction pendant toute la semaine, confondant sans doute volaille et valetaille. Echec.

Avec la subtilité rhétorique qu'on lui connaît, l'intéressée se livre courageusement à un chantage au racisme des plus délectables : "Si vous continuez, je dis à tout le monde que vous êtes un journal raciste !", hurle-t-elle aussi bien à l'Express qu'au volatile. Christophe Barbier et le Professeur Canardeau en ont les fesses qui claquent !

Rachida en arrive donc au point de non-retour, celui où Franz-Olivier Giesbert, patron d'un "journal [proto-]raciste", précisément, prend sa défense. Oui, Franz-Olivier Giesbert, machiste assumé, grand successeur s'il en est de Claude Imbert dans l'islamophobie décomplexée et "sans tabous" s'est pris d'une affection tout à fait désintéressée pour la jugesse ; on sent le sourire coquin latent lorsqu'il écrit qu'"évidemment, Rachida Dati est d'origine immigrée, comme on dit. Pour être précis, algéro-marocaine. En plus de ça, circonstance aggravante, c'est une femme. Inutile de vous faire une dessin". Nous tenons donc la preuve que Rachida n'a pas pu tricher. Une louche de vague gauchisme giesbertien pour mieux faire passer la duperie, et c'est reparti pour les expulsions d'enfants !

D'autant qu'on peut aussi dire qu'en choisissant comme figure de proue des immigrés au gouvernement une hystérique doublée d'une incompétente, triplée d'une menteuse, d'une tricheuse, d'une grugeuse, d'une filoue, Sarkozy alimente le racisme le plus viscéral de son éléctorat désormais majoritaire, aka celui de Le Pen. Mais ces interrogations ne semblent pas effleurer la belle aux bajoues de bouledogue, dont les éructations ne sont pas prêtes de cesser.

Perplexitude : soit Rachida ["elle est appelée par son prénom"] est vraiment conne, soit elle méconnaît gravement le fonctionnement du champ journalistique. Un journaleux, même de droite, ne supporte évidemment pas que le pouvoir fasse pression de façon tout à fait explicite et revendiquée pour qu'il supprime un article. Être larbins du pouvoir, on est rarement contre, mais il faut quand même donner le change au lectorat...

Suite de votre feuilleton : quelle sera la prochaine énormité de la mère Dati ? Quel nouveau mensonge ? Osera-t-elle affirmer que Fillon n'a pas de moumoute ? Que MAM existe ? Que Sarko n'est pas un nain ?

La position du penseur couché

Nous venons de terminer La position du penseur couché, de Sébastien Fontenelle, dans sa version poche (pauvres bohémiens que nous sommes, il nous a fallu attendre que les éditions Libertalia se décident enfin à publier le texte à prix réduit - 7 € - pour pouvoir le lire).

Il s'agit d'une déconstruction systématique solide de la rhétorique Finkielkraut. Alain Finkielkraut, c'est le type qui se distingue par des sorties racistes régulièrement, et qui s'est inventé une carapace théorique et idéologique : toute attaque contre lui, toute "cabale" contre ses propos relèvent, en dernière analyse, d'une "judéophobie", d'ailleurs très ancienne, mais "qui remonte", qui "vient", ou qui "revient" de "très loin".

On le sait, lorsque Finkielkraut estime que l'équipe de France de football est "black-black-black", il nous est interdit de lui rétorquer qu'il s'agit d'un propos raciste. Sinon ? Sinon il sort la carte de la "judéophobie". C'est l'attaquer "comme raciste en tant que juif, ou pire, comme juif en tant que raciste" (c'est peut-être l'inverse, nous citons de tête).

Sébastien Fontenelle démontre très bien et assez tranquillement l'hallucinante rhétorique de l'odieux personnage. Finkielkraut, anti-antiraciste viscéral, abandonne néanmoins ce beau combat pour pourfendre le "racisme anti-blanc", ce joujou conceptuel de l'extrême droite, ce faisant ainsi vulgairement antiraciste à son tour (dans un autre sens, certes...).

Au total, c'est le profil d'un homme singulièrement proche du FN, de ses idées, de ses stéréotypes discursifs qui nous est décrit. Finkielkraut, en ce sens, est effectivement un symptôme du sarkozysme : un produit estampillé "droite moderne" entretenant pourtant de fortes homologies structurales avec un autre produit, connu sous le nom de "vieille extrême droite".

Le petit livre de Sébastien Fontenelle s'attaque également à d'autres odieux personnages, membres de la "mouvance" Finkielkraut : Renaud Camus, Pascal Brückner, Oriana Fallaci, Elizabeth Lévy (la parité paraît respectée dans les milieux proto-racistes)... Mais il en est un, le plus insupportable de tous, qui n'obtient pas, dans La position du penseur couché, le traîtement qu'il mérite.

Cet homme, c'est Pierre-André Taguieff. Certes, Fontenelle cite tout autant ses immondes propos. Mais, à tout prendre, mettre Finkielkraut sur le même plan que Taguieff nous semble, tout bien pe(n)sé, quasi-diffamatoire à l'endroit du premier. Après tout, Finkielkraut, n'est qu'un scribouillard réac atteint d'un délire de persécution. Pierre-André Taguieff, c'est différent, est un homme qui "théorise" que la gauche est un néo-nazisme. Que le racisme est émancipateur. Que quiconque dénonce les dérives droitières du régime (par la "reduction ad hitlerum", se gausse Taguieff), est un "stalinien" (prochain bouquin de ce Louis-Ferdinand Céline du pauvre : "La stalinisation des esprits"). Voilà donc un type qui se marre devant la reductio ad hitlerum tout en pratiquant, de son côté, la reductio ad stalinum, qui est exactement le procédé dont il se fout. C'est dire si le pseudo-politologue vit dans le dénuement intellectuel.

Comme dit Fontenelle sur son blog, il y a fort à parier que "La stalinisation des esprits" sera un essai visant à démontrer que la France, pays qui a massivement plebiscité Sarkozy, est en fait une Corée du Nord au coeur de l'Europe. Bref, Sabotage reviendra sur Pierre-André Taguieff dans les grandes largeurs. Pour l'équarrir bien comme il faut. Il le vaut bien.

Rachida Dati et la sarkoprison

La sarkologie, cette rhétorique à la fois victimaire et punitive, qui se fonde sur les « sarkomachies » (réfutations scénarisées d’énoncés que personne n’énonce, du genre « Alors quoi, punir les fraudeurs c’est mal ? » ; « Je ne vois pas pourquoi aimer la France serait interdit », etc.), s’est attachée récemment à un nouvel objet : la prison. C’est la nunuche en chef Rachida Dati qui s’y colle.

Après ses trips sadiques dans le style « peines plancher » (lire absolument notre article), Rachida devait s’attaquer au « volet positif » de son boulot, une loi pénitentiaire visant à améliorer les prisons françaises. Et la peu compétente ministresse de réunir un « Comité d’Orientation Restreint » (COR), composé des habituels joyeux drilles (avocats, magistrats, associatifs), chargé de faire ses propositions.

Évidemment, Rachida ne saurait faire appel à la parole d’anciens détenus (de peur qu’ils trucident la pauvre unanimité républicaine de façade de ce type de comités théodules, destinés à entériner les recommandations du pouvoir). Et les épicuriens du COR ont donc pu pondre leurs cinquante recommandations « en toute indépendance » (même si l’Administration Pénitentiaire, qui est un peu le Reichskonzentrazionsläger-Ministerium de notre « démocratie », avait pris soin de fournir, en amont ses « hypothèses » - Ô la pudique litote ! – et même si la loi s’écrivait en même temps que le COR planchait, ce qui constitue un bras d’honneur à l’endroit de ses membres).

Des recommandations qui, pour nous, saboteurs, allaient toutes « dans le bon sens », celui d’une mise en conformité des taules françaises, aujourd’hui assez similaires à ce qui se faisait aux heures les plus sombres de l’Histoire, avec les directives européennes (et pour une fois que l’intégration européenne a des effets pas trop dévastateurs, on ne va pas se priver d’en profiter).

Encellulement individuel, douches quotidiennes, durée maximale de mise au mitard réduite de 45 jours à 28, examens médicaux plus fréquents pour les vieux, droits de visites facilités, meilleur accès au RMI, droit à l’expression collective, restriction des fouilles corporelles humiliantes, etc. C’est pas encore l’abolition de cette absurdité sociale qu’est la prison, mais c’est toujours ça de pris sur la grande faucheuse. Et puis les conditions de vie carcérale sont tellement ignobles que la moindre réforme est bonne à prendre, même si elle contribue à renforcer (en l’améliorant) le système carcéral.

Seulement voilà. L’Observatoire International des Prisons, lui, trouve que les recommandations du COR sont assez pourries. Et, à lire son rapport, on comprend qu’il n’a pas tort et qu’on a vite fait de se faire rouler par la sarkologie.

Les préconisations du COR, nous dit l’OIP, sont soit « dénuées de sérieux », soit « contestables », soit elles « vont dans le bon sens mais, faute de précisions, sont réduites à des vœux pieux ». Le COR préconise par exemple des états des lieux de rentrée et de sortie de cellule : « On attend avec impatience l'état des lieux entrants de détenus en maison d'arrêt : « entrée dans une cellule vétuste, nombreuses fuites, toilettes ignobles, deux autres locataires pour neuf mètres carrés. Je m'engage à rendre ce bien dans l'état dans lequel je l'ai trouvé ». Une telle recommandation est du reste tout à fait déplacée au regard de la gravité des manquements de l'administration au regard des normes minimales d'hygiène et de salubrité. »

Bref, Rachida Dati n’est pas décidée à en finir avec la « torture blanche » qu’est l’incarcération en France. Extraits, surréalistes, des « hypothèses » (comprendre : recommandations fortement incitatives) de l’Administration Pénitentiaire : « Les règles pénitentiaires européennes sont pour l'essentiel déjà transcrites dans notre réglementation ». C’est faux, le commissaire européen chargé de ces questions a classé les prisons françaises derrière celles de la Moldavie en termes de condition de vie et de salubrité. D’autre part, l’encellulement individuel relève d’une directive européenne, et est très loin d’être respecté.

Deuxième pépite de l’AP : « Les prisons françaises ne sont pas une honte ». Paradoxe performatif, le simple fait d’énoncer une phrase revient à la contredire. Suggérer aussi crânement que les prisons ne « sont pas une honte », c’est souligner à quel point il s’en faut de peu… Il ne s’agit pas d’un mensonge, cependant. Le régime punitif et répressif de la droite néo-conservatrice est en effet assez fier de ses taules. La suite : « la France gère bien ses prisons ». Au même titre que les nazis géraient super bien leurs camps ? Dans les deux cas, il y a effectivement la même efficacité à détruire…

En somme, Dati fait encore une fois la preuve de sa tragique incompétence. Incompétence qui lui vaut de plus en plus de railleries. Le Canard Enchaîné n’hésite pas à rapporter que Sarko a une conscience précise des « limites » (qu’il est doux à nos oreilles, ce mot !) de sa mère-fouettarde de Garde des Sots. La presse entière en vient à pointer sa possible tricherie quant à ses diplômes. Un journaliste de droite, Claude Askolovitch (du Nouvel Observateur) a écrit un bouquin avec Rachida qui va bientôt sortir, c’est en fait un plaidoyer d’autodéfense : un autre livre, sobrement intitulé « La tricheuse », va éreinter l’hystérique pseudo-magistrate dans les grandes largeurs. Personne n'en connaît encore l’auteur, mais il est acquis que l’affaire du faux diplôme va faire beaucoup de bruit, et c'est tant mieux.

Nouvelle lubie de la folle furieuse : la prison à vie pour les délinquants sexuels multirécidivistes. Idée de Sarkozy. Idée anticonstitutionnelle. A quand la réhabilitation de la peine de mort (mais seulement pour "les tueurs d'enfants", comme disent les abrutis) ? A quand l'euthanasie pénale ? A quand Dati en prison ?

Ceci n'est pas un manifeste

Observateurs sans pitié, déconstructeurs sans complexes, commentateurs sans tabous, nous, Sabotage, ne sommes ni précisément des journalistes (n’étant ni payés ni intéressés par l’actualité en tant que telle), ni précisément des blogueurs (car nous aspirons à créer un rapport nouveau entre le virtuel de cette page et notre terrain d’action « dans la vraie vie »), ni précisément des propagateurs de rumeurs (même si nous aimons frapper là où ça fait mal), ni des idéologues, ni des experts, ni un parti, ni un syndicat, ni un échantillon représentatif de quoi que ce soit. Ainsi :

Constatant la médiocrité généralisée des médias dominants, complices souvent conscients des différents pouvoirs en place, dans le but partagé d’abrutir le plus grand nombre en encadrant, simplifiant et balisant l’information dans le sens du maintien du monde tel qu’il est

Nous apercevant que l’esprit que nous aimons, rieur, caustique, pédagogue, sadique, intempestif, virulent et lucide, ne trouve plus aucun écho dans la parole publique

Nous attristant du sérieux plombant et de la lourdeur dogmatique et moraliste de la majorité des opposants au système et autres résistants au régime, qui n’ont souvent de révolutionnaires que la volonté d’être considérés comme tels

Prenant acte de notre jeunesse, de notre talent, de notre intelligence, de notre humour, de notre sens aigu de l’injustice et de la malhonnêteté de nos contemporains et de nos aïeux

Nous avons décidé d’user de l’information, de l’insolence et de nos neurones comme armes de subversion massive dans le but sublime de contribuer à l’élévation de l’espèce humaine et, à plus court terme, au réveil du débat public.

Amis des médias indépendants et/ou satiriques, nous affichons impudiquement notre amour pour Le Canard Enchaîné, Le Plan B, Groland et le Hara-Kiri de nos papys. Moins professionnels sans doute, nous userons et abuserons quand même des spécificités inexplorées de la forme blog pour atteindre notre but suprême, notre Grand-Soir à nous.

Et, vous l’aviez deviné, nous ne nous priverons pas à l’occasion de taper sur nos ennemis jurés que sont les pouvoirs médiatiques, politiques, policiers, économiques, financiers, moraux (dont religieux), dont il s’agira pour nous de déconstruire les énoncés, les structures, les concepts, les réflexes et les motivations, afin de les mettre à nu, dans leur risible et nihiliste absurdité, pour le plus grand plaisir des petits et des grands.

Et puisqu’il s’agit d’annoncer la couleur, nous souhaiterions évoquer à présent le rôle symptomatique qu’a joué récemment l’ensemble du paysage médiatique français dans le traitement d’une information triviale et people dont l’insignifiance en dit long sur le degré d’interconnexion entre dirigeants politiques et journalistes. Le fait divers en question, c’est le divorce des Sarkozy, autrement dit la news incontournable de la semaine, sur laquelle les médias ont décidé, jeudi dernier, de focaliser l’attention des français, pour une durée à ce jour indéterminée. Bien.

Toutes les rédactions de France, Navarre et au-delà était au courant de l’imminence du divorce depuis deux semaines au bas mot. Pourtant, nul n’en pipe mot pendant plusieurs jours. Les journalistes en parlent entre eux, se perdent en conjectures et projections des conséquences de cet événement, que l’on devine d’une importance décisive. Mais ils ne croient pas bon d’en informer le populo, comme ils sont (souvent grassement) payés pour le faire. On a donc droit à des atermoiements peu enthousiastes sur la défaite au rugby, dont l’impact est inestimable, en attendant.

En attendant quoi, tiens ? En attendant que le divorce soit prononcé, affirment les plus optimistes, en attendant un communiqué officiel de l’Elysée, confessent les plus sincères. Car en effet, le divorce a beau être prononcé lundi 15 octobre, il faudra encore attendre quelques jours pour que s’ouvre le festival des couvertures de la presse papier et des unes des jités télévisuels. Bien sûr, quelques téméraires (ou privilégiés, tel L’Est Républicain qui semble entretenir avec Cecilia Ciganer Albeniz des relations privilégiées) s’osent, du bout des lèvres, à quelques ébauches de commencements d’annonces, qui consistent principalement à dire « toutes les rédactions sont au courant », histoire de se dédouaner, et en usant de centaines de milliers de conditionnels et de guillemets. Entre-temps, ce sont quelques blogs qui font, à leur échelle, le nécessaire travail d’information, avec pour certains un plaisir non dissimulé.

Vient donc le jour ô combien stratégique de la grève du jeudi 18, occasion rêvée de grignoter sur le temps d’exposition médiatique d’un premier mouvement social de grande ampleur sous la présidence de qui l’on sait. La nouvelle tombe donc pile poil pour les jités et pas mal d’hebdos, comme quoi le hasard fait bien les choses quand on lui donne un petit coup de pouce.

INFORMATION : A la suite d'un propos tenu ici concernant une journaliste de télévision (pourtant formulé au conditionnel et avec toutes les précautions rhétoriques qui sient à ce type de textes), notre blog a été l'objet de menaces de poursuites judiciaires par l'avocate de celle-ci. D'où l'autocensure. Il n'en est pas moins plaisant de constater que la presse étrangère s'est procuré entre-temps des éléments abondant dans le sens de la piste de réflexion que nous évoquions non sans prudence bien auparavant ! Les quelques rédactions hexagonales qui ont tenté de se faire écho de la rumeur en question ont reçu visiblement les mêmes menaces que nous et ont pratiqué la même autocensure.

Il va de soi que nous déclinons toute responsabilité pour les éventuelles associations d'idées que nos sympathiques lecteurs pourraient fortuitement être à même d'éprouver à la lecture de ces quelques lignes et liens !

La papesse des cathos réacs a un blog !

C'est un adversaire par trop évident pour la joyeuse équipe de morbides saboteurs que nous sommes. Mais nos cibles sont diversifiées, et, similaires à Ségolène Royal, "nous ne nous interdisons rien". Et surtout pas de nous intéresser à une personne très spéciale, dont on pourrait dire, pour schématiser, qu'elle est une catholique aux "valeurs" ultraconservatrices, doublée d'une nationaliste proche du FN, triplée d'une engagée associative dans une "ligue de vertu" (pour la censure de la pornographie, scènes obscènes et autres messages "blasphématoires"). Jeanne Smits (ici, une trucculente vidéo dont elle est l'héroïne).

Jeanne Smits, un prénom "terroir français" et un patronyme néerlandais (et oui, les Pays-Bas, le pays de la tolérance radicale, de la permissivité la plus poussée, bref, l'une des civilisations les plus raffinées d'Occident). Mais cet article ne sera pas une vulgaire dénonciation, totalement stérile, des combats de Jeanne Smits. Il s'agit plutôt, pour nous, de rentrer dans la "profondeur" du discours de cette joyeuse drille pour en déterminer les impensés, les stéréotypes structurants, et déconstruire la rhétorique de ce néo-catholicisme communautariste pré-raciste.

Parcourir le blog de Jeanne Smits, sorte de longue litanie délirante et robotique où les dénonciations contre l'avortement dans tel pays succèdent aux acclamations de la lutte anti-avortement qui progresse dans tel autre pays, fournit un renseignement précieux. A l'évidence, les deux concepts majeurs sur lesquels se fonde toute l'idéologie de Smits sont ceux de "culture de vie" et de "culture de mort". Articulés à l'infini, ad nauseam, c'est tel evêque qui se voit félicité pour avoir défendu la "culture de vie", tel procès étant intenté parce que "l'art contemporain est un vecteur important de la culture de mort" (ici).

Le sous-titre du "blog de Jeanne Smits" ? "Nouvelles internationales de la culture de vie et de la culture de mort". C'est exactement le même principe que les news de Têtu, sauf que là ce n'est pas la persécution des gays ou les mariages de lesbiennes qui sont repertoriés, mais les "blasphèmes" et autres scandaleuses légalisations de l'avortement ou de la contraception (ou du mariage gay, justement).

L'important, donc, c'est la "vie". Il y a aussi en exergue cette citation de Joseph Ratzinger, l'ex-Hitlerjugend : "On ne peut penser qu'une société puisse combattre efficacement le crime quand elle le légalise elle-même dans le cadre de la vie naissante". On le comprend, le combat de cette néo-inquisitrice, c'est avant tout l'avortement, c'est-à-dire la "culture de mort".


Jeanne Smits est également vice-présidente de l'AGRIF, association réputée proche du FN, dont l'intitulé exact est : "Alliance Générale Contre le Racisme et Pour le Respect de l'Identité Française et Chrétienne" (que le dernier ferme la porte). Et le "respect" de l'identité française et chrétienne, ils veulent le faire régner au bazooka judiciaire. Chrétiens peut-être, mais chrétiens à peu près aussi ouverts et pacifiques qu'une meute de dogues allemands.

Rien ne serait plus inutile que de geindre que les combats de cette bonne femme sont autant de combats racistes, rétrogrades, réactionnaires, puants, etc. Ce type de dénonciation diamètrale de l'extrême-droite par d'insolents libertaires ne servira qu'à relégitimer les positions politiques de chacun. Ainsi, face à des petits monstres dans notre genre qui encensent la "culture de mort" qu'est la contraception, l'avortement, la vie libre et libérée, la profusion jouissive des sexualités et des expérimentations ; Jeanne Smits et sa clique ne pourront que dire : "vous voyez, vous encensez la culture de mort !". Ce faisant, nous ne serions que plus méprisants pour leur manichéisme de pissotière de collège, "vie", "mort", et leur radicalisme nauséabond. Ainsi, chaque dénonciation renforcera Jeanne Smits dans la detestation de ses dénonciateurs, et les dénonciateurs dans la détestation de Jeanne Smits. Au lieu de faire naître, entre nous, un chemin d'amour... Quel dommage !

Contentons-nous de remarquer que la prétendue "culture de vie", anti-avortement, anti-contraception, anti-pornographie, anti-sexe (outre le très catholique coït vaginal reproducteur) n'a finalement pas grand chose à voir avec la vie, et pourrait tout à fait accepter le titre de "culture de mort" (puisque la contraception, le sexe, la pornographie et l'avortement sont autant de dispositifs culturels joyeux servant avant tout à restreindre le mal-être des êtres humains que nous sommes).

La protection de la vie des tous petits, chez ces gens-là, ne les empêche pas d'être, par contre, de francs partisans de la peine de mort (rappellons que l'AGRIF est un satellite du FN dirigé par Bernard Antony, eurodéputé FN). Le blog de l'inénarrable Jeanne Smits comprend des liens vers des sites d'extrême droite. Vous avez-dit "culture de vie" ? Persécution des enfants sans papier, contrôles génétiques, politiques racistes : "protéger la vie", oui, mais quand elle est blanche, catholique et gauloise. Chez ces gents damoiseaux, la "culture de vie" s'accomode fort bien de tests ADN, de rafles ou d'un hyperlibéralisme sauvage à la sauce Jean-Marie Le Pen.

En revanche, horreur ! L'art contemporain, c'est la "culture de mort" ! L'épanouissement de nos corps, culture de mort ! La fin des névroses hétéropatriarcales, culture de mort ! Et surtout, ne pas "respecter" la très morbide religion catholique, culture de mort ! Satanisme ! Bouh ! Le trip de Smits, c'est de traîner la "culture de mort" devant les tribunaux : quelle belle illustration de cette "culture de vie" tant vantée... C'est vrai qu'elle a l'air de vivre une vie de folie, d'ivresse, la brûlante épicurienne, la vitaliste acharnée !

Il y a presque un ressort comique dans l'épouvante qu'éprouvent les catholiques radicaux face à la contingence de l'être. Une vie, ça ne tient qu'à un fil. Rien qu'en France, on est 700 000 à mourrir chaque année. Les fausses couches, tout le monde connaît quelqu'un à qui s'est arrivé. Bref : la vie, c'est capricieux ; et Kundera a raison de chanter "l'insoutenable légereté de l'être"... Mais ça, les cathos rachots peuvent pas le comprendre. Ce sont eux qui réfutent la très naturelle instabilité de la vie, eux qui échaffaudent une forme d'artificialisme pro-life, alors qu'ils se prétendent apôtres, par ailleurs, des pratiques "naturelles" (lire à ce sujet les diatribes anti-homosexuelles de Jeanne Smits).

C'est donc une vision ultra-restrictive de la vie qui est en jeu dans le concept de culturedevie que notre amie ressasse deux cent fois par jour. La vie ne consiste pour elle que dans la reproduction, et encore, pas dans la reproduction in vitro (voir ses diatribes contre les "bébés éprouvettes"), et dans une reproduction strictement encadrée par le mariage catholique fidèle et vertueux (pas de rapports sexuels non-reproducteurs). Pas beaucoup des bambins d'aujourd'hui trouveraient grâce aux yeux de Sainte-Jeanne Smits...