Homosexualités : invariants du discours conservateur

Avec le projet de loi esquissé par la distinguée Nadine Morano, l'instauration d'un statut de "beau parent" non sexué ramène sur le devant de la scène médiatique le débat sur l'institutionnalisation du couple et de la "famille" homosexuels.

Comme à chaque fois qu'il est question d'homosexualité, un argument qui revient tout le temps est celui de la "nature". La nature, c'est un homme et une femme. Les commentateurs du Figaro.fr insistent beaucoup sur ce point, ajoutant que "où est passé le bon sens ?".

"En tant qu'écolo et consommateur de bio, je considère qu'un enfant doit avoir un père et une mère comme le veut la NATURE et toute autre situation est une anomalie anti-naturelle, un pesticide de synthèse ou une sorte d'ogm..."

Les réponses au discours naturaliste sont simples :

1) La "nature" (concept qui, de toutes les façons, n'a aucune définition tangible) comprend en son sein des relations homosexuelles.

2) Se conformer strictement à la "nature" n'est pas souhaitable (les êtres humains vivraient nus et passeraient leur temps à forniquer, ils ne communiqueraient que par signaux et dévoreraient des aliments crus...).

On peut conjecturer que la glorification actuelle de la nature (le consensus écologique) autorise un retour en grâce de l'idéologie naturaliste dans toute sa veulerie. La concomitance de la lame de fond conservatrice (pour ne pas dire fasciste) qui s'est emparée de l'Europe et du consensus écologique ne doivent pas étonner. Ces deux projets convergent pour un retour à la nature, au travail, à la terre. Ces deux projets ont pour objectif de revenir aux "vraies valeurs". De conserver ce qui provient des temps anciens.

Il est tentant d'analyser les arguments conservateurs comme des symptômes d'un monde archaïque qui tend à disparaître, comme les derniers soubresauts violents d'une société rétrograde et laide qui se bat pour sa survie avec l'énergie du désespoir. Mais ce n'est pas la vérité. Ces personnes ont le vent en poupe. Et si la droite actuelle est favorable à des évolutions minimes dans le domaine des moeurs, c'est parce qu'elle compte nombre de partisans hallucinés du capitalisme nomade hardcore et de la fluidification de l'humain qui lui est consubstantielle. Mais ce capitalisme pseudo-progressiste défait des conservatismes d'une main et construit, de l'autre main, un immense projet régressif, où la laideur le dispute au malheur.

Autre argument massue, l'idée que le droit n'a pas à enregistrer les pratiques humaines ou à régulariser des situations. Auquel cas, ajoute en général le commentateur du Figaro, pourquoi ne pas régulariser la zoophilie ?

Cet argument, de facture classique, est très courant et se retrouve sous la plume du penseur para-pétainiste Pierre Legendre. Le droit est chargé d'élever les individus vers la morale, vers le bien ; et non d'enregistrer bassement leurs pratiques. Vouloir légaliser l'existant, c'est rentrer dans une logique hédoniste irrationaliste, en tout point semblable à celle qui prévalait sous le régime nazi, dit Pierre Legendre (qui, en matière de nazisme, s'y connait effectivement).

Or, 1) oui le droit est un corpus construit, mouvant et adapté depuis des millénaires aux pratiques humaines. 2) Légaliser une situation ne veut pas dire qu'on va légaliser dans la foulée toutes les situations du monde (c'est pourtant l'absurdité que sous-entend l'argument !).

Il est triste de constater à quel point nos sociétés européennes pseudo-libérées sont en réalité des sociétés ultra-conservatrices, puritaines et biofascistes.