UNEF, pour Syndicat Bayrouiste Jacobin

Oui, nous sommes bien cruels de nous attaquer à l'Union Nationale des Etudiants de France, mieux connue sous le nom d'UNEF, tant cette archaïque institution semble d'ores et déjà vouée à la déchéance pure et simple. Mais la pitié n'est pas notre point fort, et puis l'UNEF demeure le syndicat étudiant majoritaire dans notre Douce France. Penchons-nous donc sur quelques détails expliquant leur attitude pour le moins chaotique pendant le non-événement de la "mobilisation étudiante", organisée en même temps que celle des cheminots et autres défenseurs des régimes spéciaux de retraite.

Tout d'abord, notons que la mobilisation étudiante date non pas de la rentrée, comme prétend le décréter l'UNEF, mais bel et bien de cet été, au moment où le sémillant Bruno Julliard avait eu le courage d'apporter, si besoin était, une caution "dialogue" au gouvernement Sarkozy. Souvenez-vous : en sortant de chez Valérie Pécresse, il s'était extasié devant ses "qualités d'écoute", et voyait se profiler un avenir radieux pour l'UNEF et donc (!) pour les étudiants de gauche sous le quinquennat Sarkozy.

Pendant ce temps, donc, les syndicats de gauche appelaient à la mobilisation contre la Loi Pécresse sur l'"autonomie" et la "responsabilité" des universités, dont l'UNEF avait participé à l'élaboration. La mobilisation commence, lentement, sans le moindre relais médiatique, tandis que la loi est votée à l'Assemblée pendant les vacances.Julliard est content.

Seulement, il se trouve que l'UNEF n'est pas seulement constituée de son courant majoritaire, "social-démocrate", "réaliste", "sarkocompatible", mais également de branches plus radicales et proches des Jeunesses Communistes Révolutionnaires, entre autres. Il se trouve que les branches en question, qui servent un peu de caution gauchiste au syndicat bayrouiste, menacent de s'envoler vers les cieux éternels des syndicats gauchistes tels que SUD étudiant et CNT étudiant pour ne citer qu'eux. Il se trouve que l'UNEF, dont l'électorat attendait au minimum un comportement d'opposition au gouvernement Sarkozy, a perdu son assise électorale parmi les étudiants "de gauche" qui votent pour eux.

Mais tout cela, Julliard and Co. le savaient déjà bien avant de se lancer dans l'épineux projet de copiner avec la Sarkocratie. Pourquoi donc avoir négocié avec Pécresse, en sachant que cela va contre les fondamentaux de l'UNEF et que l'électorat ne sera pas dupe une seule seconde ? La réponse se trouve dans les modalités de la loi elle-même, et plus précisément dans ce que l'UNEF est parvenue à négocier : non pas un projet pour l'université, mais bel et bien un projet pour l'UNEF. Devant la détermination forcénée d'un gouvernement de stackhanovistes ultralibéraux, le syndicat bayrouiste a négocié la dissolution, et donc la réélection, des conseils centraux étudiants (CA, CEVU et CS), de manière simultanée dans toute la France. Ce cas de figure est extrêmement rare, mais l'enjeu en vaut la chandelle car ce sont lesdits conseils qui votent à leur tour pour les élus CNESER (non, nous ne traduisons pas le jargon technique) qui apportent à leur syndicat des subventions considérables, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'euros par élu et par an, si l'on en croit une source syndicaliste désireuse de rester dans l'anonymat.

On comprend mieux pourquoi l'UNEF, anticipant avec génie le très imprévisible parachutage de Julliard dans les listes PS des municipales parisiennes, avait tout intérêt à foncer vers la caisse. Car ce n'est pas dans la résistance au gouvernement que l'UNEF risque de s'illustrer, et cela ne date pas d'hier. Déjà pendant le CPE l'UNEF avait récupéré la mobilisation pour en fin de compte flinguer Villepin en négociant avec Sarkozy, ce qui lui a servi la présidentielle sur un plateau. Du coup, grâce à Julliard and his underground beautiful punk sexy band, on n'aura pas le CPE mais le contrat unique. Merci les cocos.

Mais revenons à nos brebis. L'UNEF, en perte de vitesse, négocie avec le gouvernement, en abandonnant son projet fondateur, pour mettre la main sur un maximum de subventions et permettre à ses hiérarques de se hisser dans l'organigramme socialiste afin de capitaliser leur engagement dans le cadre d'un véritable plan de carrière. Or, la mobilisation prend de l'ampleur, et les "mouvements sociaux" commencent à pointer leur nez : que peut donc l'UNEF pour ne pas passer aux yeux de ses contemporains pour un aréopage de rabat-joie, boit-sans-soif, peine-à-jouir etc ? La réponse est bien simple : faire diversion.

Le syndicat des jeunes bayrouistes organise donc, simultamément aux cheminots, une mobilisation de grande ampleur, histoire de ne pas rester dans l'ombre au moment des "tensions sociales", histoire de "s'approprier" le mouvement étudiant. Vu les moyens, les contacts et les relais politico-médiatiques dont dispose la bande à Julliard, l'opération ne s'avère pas d'une grande difficulté. Ce qui est moins évident, c'est de faire croire aux étudiants qu'on ne les prend pas pour des cons en négociant une loi à laquelle on finit par s'opposer, mais le but est moins de convaincre les étudiants politisés que de marquer l'opinion.

A ce moment là, l'UNEF confisque la parole médiatique étudiante et délègue ses représentants sur tous les plateaux de télé de France et de Navarre, où ils se défendent tant mal que mal du caractère "politique" de leur mobilisation, contre l'opinion de la majorité des étudiants mobilisés qui resteront dans l'ombre. Et c'est heureux, car le syndicat bayrouiste universitaire n'a pas vraiment la cote chez les étudiants mobilisés depuis belle lurette et qui voient clair dans leur jeu : ainsi l'Assemblée Générale de Paris 8 a-t-elle voté la dissolution de l'UNEF dès le début de l'ingérence de la tribu Julliard dans le mouvement étudiant. Trop émus sans doute, les médias français n'ont pas cru bon d'en faire état.

Ainsi, deux ou trois manifestations et quelques séances de petits fours chez Pécresse plus tard, Bruno Julliard revient sur les plateaux, la bite en fleur, prévenir ses chers kamarades que la mobilisation est finie parce qu'il a obtenu les compensations qu'il désirait (deux ou trois mini-mesurettes, pour le principe). De plus, à l'en croire, ceux qui continueraient de manifester seraient des crétins "irréalistes", qui "décrédibiliseneraient" le mouvement. Un hasard exquis a voulu que les cheminots de la CFDT abandonnent la grève au même moment.

Cette dernière phase du spot publicitaire de l'UNEF nous a offert en outre un grand moment d'humour lorsque l'éternel Bruno Julliard, sur le plateau du Grand Journal de Canal +, se voit poser par un spectateur la question "où est le PS ?". Pour faire de l'humour, Bruno Julliard regarde autour de lui, dans tous les sens, sous sa chaise, dans le public, dans son cul, avant de statuer : "je ne sais pas, je ne le vois pas".

Aujourd'hui, Bruno Julliard est sur les listes du Parti Socialiste aux municipales du 9ème arrondissement de Paris. Le Syndicat Bayrouiste Jacobin, quant à lui, a massivement envoyé ses VRP dans toute la France, et a triomphé sans gloire aux élections des conseils centraux.

Et, même si ça n'a rien à voir, la mobilisation étudiante continue.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

+ aussitôt après son départ de la coordination nationale, l'Unef a prétendu que les facs bloquées n'étaient plus qu'au nombre de 30 alors qu'elles étaient au plus fort (66 selon la CN, "au moins 50" selon Libé dont la carte ne comprenait aucune fac de Paris intra-muros..), avant d'appuyer systématiquement les chiffres de la police.

+ devant la contestation interne (la majorité des militants de l'UNEF ont suivi le comité de mobilisation de leur fac), Julliard organise une consultation interne sur l'attitude de ses miltants. Vote dont il résulte que plus de 75 % des inscrit du syndicats sont contre la poursuite de la grève... sauf que l'intégralité des sections de l'UNEF toujours engagées avaient demandés le boycott de ce scrutin...

+ une minorité d'ultras julliaristes (souvent les plus âgés des étudiants !) ont suivi des instructions de la direction leur indiquant de prendre la parole en AG pour "rappeler systématiquement la véritable position de l'UNEF", c'est à dire afficher une division interne devant la masse des anti-bloqueurs. Mieux: cette élite a soutenu, fac par fac, la décision inédite des présidents d'universités, sur injonction du ministère, d'organiser des votes à bulletin secret niant toute légitimité aux AG... Espérons que cela n'était pas, aussi, une idée du grand homme