Quand les pro-Opinion Way contre-attaquent

Le lecteur pro-Opinion Way a des arguments, et des lourds. Nous, on a un petit côté conspirationniste - et on est pas loin de penser que les deux anonymes qui se sont fendus de contre-attaques à notre article sont des salariés de la boîte... Ils n'ont, en tous cas, aucune sympathie pour Sarkozy, bien au contraire ! Ce sont juste des passionnés de la vérité sondagière, n'en doutons pas un seul instant.

"Tu oublies le sondage OPinionway LCI / figaro / metro du 5 mai dernier qui sur 30 Millions de sondés a donné Sarko gagnant avec 53.1% des voix... A ces salops de Droite, ils prennent vraiment le peuple pour des cons ..."


30 millions de sondés ? Ils ont les moyens, à OpinionWay ! Lorsqu'on sait qu'un sondage n'a jamais pour but de prédire un résultat mais de donner une image de l'opinon à un instant T, cet argument va typiquement au rebours de la thèse que l'auteur souhaitait défendre. Car si OpinionWay prétend avoir les clés pour anticiper et prédire les résultats électoraux, alors la preuve est faite qu'il s'agit bien de charlatanisme pur et simple. Ajoutons, comme le signalent les autres commentateurs de l'article, qu'un sondage qui fonctionne avec plus ou moins 2% de marge d'erreur se fout de la gueule du monde en donnant des chiffres au dixième de pourcentage près... Ou comment donner l'apparence d'un savant calcul statistique à des résultats grossiers et vagues. Des chiffres précis, un commentaire pseudo-politologique, et hop, emballé c'est pesé !

La deuxième réaction, toute aussi anonyme que la première, nous provient d'un gentilhomme ayant une "formation socio". Travailleur social ? Sociologue ? Sociopathe ? Nous n'en saurons pas plus. Outre le fait qu'il a "prit le temps de faire des recherches". Bigre ! Si avec ça on a pas l'impression d'être en face d'un scientifique présentant toutes les marques de l'objectivité intellectuelle...

"C'est assez étonnant cet intérêt soudain pour cet institut. De formation socio, je cherchais des avis sur les sondages. Alléché par la promesse de scandale de ce blog, j'ai pris le temps de faire des recherches. Et là, le soufflet retombe et c'est assez agaçant.

Tout d'abord, il est difficile de savoir si un institut de sondage dit vrai ou non, à moins de faire... un sondage ou d'attendre les résultats d'élections."

Brillante idée ! Un sondage pour savoir si les sondages sont fiables... C'était simple mais il fallait y penser. L'autre idée est également intéressante : attendre les résultats des élections pour savoir si le sondage "disait vrai". Notre sociologue en peau de lapin devrait le savoir : un sondage n'a jamais pour but de "dire vrai", ni de prédire quoi que ce soit ; il a pour objectif de mesurer l'opinion et ses mouvements. Si l'on suit le raisonnement de notre chercheur au CNRS, un sondage qui prédirait correctement les résultats électoraux par une nouvelle méthode à base de comptage du nombre de poires et de pommes sur un marché, et après des redressements qui s'imposent (un poireau vaut 1,2 pommes et les ménagères de plus de cinquante ans seront sous-représentées dans l'échantillon final à raison d'une ménagère pour deux artisans-taxi), aurait donc "dit vrai". Peu importe la méthode, nous dit l'ami, seuls importent les résultats. Et si les résultats sont justes, ou concordants, c'est que tout va bien.

Quelle subtile épistémologie... Qui n'est pas sans rappeller le fameux "as if" de Milton Friedman : toute cuisine intello, même la plus fantaisiste, se justifie si ses résultats sont plausibles. Bravo ! Et cet argumentaire est également celui... d'OpinionWay itself ! C'est là que notre théorie du complot nous séduit particulièrement. Car souvenons-nous de la réaction d'OW à leurs bricolages sur les débats internes au PS : "A OpinionWay, on est plutôt contents du résultat : « les chiffres corroborent ceux des autres instituts »". Tant qu'on est pas trop loin des autres, tout va bien.

"Il se trouve que les sondgaes électoraux de cette boîte attaqués avant les élections ont donné des résultats quasi parfaits, et dans la moyenne des autres sondeurs (auraient-ils piégé les urnes ou fabriqué l'opinion ?)."

Des résultats "quasi-parfaits" ? Wahou ! Et "dans la moyenne des autres sondeurs". Quand on pense que les sondages sont déjà de grossières moyennes, être dans la moyenne des moyennes est effectivement un signe de "quasi-perfection".

"Pour ce qui est de leur panel, il est plus réaliste de l'évaluer à 40000 qu'à 2000. Tous ceux qui disposent d'un minimum de formation sur le sujet t'expliqueront qu'avec 40000 personnes c'est déjà difficile de réaliser un sondage par mois alors 2000..."

Tiens, encore du métadiscours du genre "je dispose de la vérité sociologique et pas vous". Marrant, ça. Surtout que l'argument est d'une nullité sans pareille. Que vient faire le "réalisme" dans tout ça ? Quel est le chiffre exact donné par OW sur son super panel ? A partir de quand appartient-on de fait au "panel" en question ? Quand on a cliqué sur un sondage online ? Quand on reçoit un petit cadeau ? Quant à dire que c'est difficile de réaliser un sondage avec 40 000 répondants virtuels, c'est précisément ce que nous disons.

"Comment expliques-tu que Marianne serait mieux informé que les dirigeants de cette boîte et ses clients (crois-moi que dans cet univers les clients ne sont pas des imbéciles et se renseignent). A moins bien sur de considérer que Marianne est un canard totalement indépendant, apolitique et suffisamment professionnel pour ne jamais se tromper (il y a pas mal de tribunaux qui en ont décidé autrement ces dernières années)."

Une première couche dans le genre "On peut pas savoir", "tout est dans tout est réciproquement", "y'a du vrai partout", "personne n'a le monopole de la vérité", etc. Un discours hautement sociologique et rigoureusement scientifique. Un argumentaire béton.

"Aurais-tu un exemple précis d'un résultat sorti par cet institut et qui soit contredit par un autre de façon significative, au même moment, avec une question comparable ?"

Non. Ce raisonnement est d'ailleurs tout à fait pervers. Il revient exactement à celui qui consiste à dire que OW avait fini par sortir, après deux-cent cinquante "politoscopes", comme ils disent, un chiffre concordant avec les résultats de la présidentielle. Ce n'est pas parce qu'il y a un sondage "bon" (avec beaucoup de guillemets) qu'on peut dire qu'OW est globalement fiable. En outre, comparer des sondages entre eux, c'est comparer des échantillons différents, des méthodes différentes, des moyennes et des redressements différents - donc des pommes avec des poires. Quand bien même il y a concordance dans leurs résultats, cela ne démontrerait que mieux l'absence totale de scientificité des sondages.

"Dernière chose, quand on se renseigne sur cet institut, on remarque que s'ils ne sont pas nouveaux, c'est un des plus récents (2000) et qu'ils sont en train de se développer très vite (ça c'est le marketing car le politique ne paye pas), attention à ne pas se faire manipuler par des concurrents qui voudraient s'en débarrasser à bon compte. Ca s'appel de l'intelligence économique, un truc vieux comme le monde. Quand on veut se débarrasser de son chien on dit qu'il a la rage."

Mais bien évidemment ! Sabotage est "manipulé" par Roland Cayrol de CSA (détenu par Bolloré) et par Pierre Giacometti d'Ipsos (présent à la soirée Sarkosy du Fouquet's) !

"Franchement, les sondages ne sont pas parfaits, poser une question plutôt qu'une autre, à un moment plutôt qu'un autre, prête le flanc aux critiques, mais les journalistes ne sont pas parfaits non plus, les sociologues très variables (Elisabeth Teissier a un doctorat !) et l'avis de ma concierge non plus. Quant aux blogs... A ce train là on supprime tout droit à la parole. Les dictateurs de droite comme de gauche se chargent généralement très bien de cette tâche.
Il faut rester vigilants, mais aussi apporter un minimum de preuves et non des suputations sinon, à force de crier au loup et de flinguer tout ce qui ressemble à l'expression du peuple..."

Voilà la deuxième couche relativiste, du genre "On peut pas se prononcer", "les sondages se trompent peut-être mais Yvette Horner aussi (donc c'est pas grave)", etc. Epatante démonstration !

"En 2002 tout le monde s'est foutu de la gueule des sondeurs (en oubliant de remarquer qu'à 0.2% prêt Jospin serait passé devant), cette année ils ont donné des résultats très fiables dès janvier. Ségolène s'est énervée contre les sondages mais si tu vas sur son site partisan segoloscope, tu constateras que lorsque les sondages lui sont favorables, elles les utilise en boucle."

En 2002, les sondages se sont trompés mais ils étaient pas loin d'avoir raison ! Bravo !

"Il faut savoir faire la part des choses. A force de flinguer à tout va cet espace de liberté bien nécessaire qu'est Internet va finir par perdre toute sa crédibilité."

Une troisième couche - "faire la part des choses", "chacun dit sa vérité", "si ça existe c'est que ça doit être vrai", etc. A quand "OpinionWay a droit au respect qui échoit à toute entreprise engageant des personnes humaines" ? Avec de si solides arguments, notre contradicteur ne doit pas se faire de souci pour son doctorat en sociologie électorale.

"Si tu as des exemples précis qui prouvent qu'ils bidonnent, donne-les !!!"

D'un mot, pour finir : OpinionWay ne "bidonne" pas, OpinionWay alimente en chiffres fantaisistes et farfelus des organes de presse de grande diffusion en pratiquant des méthodes totalement dépourvues de scientificité, en orientant les questions et en fournissant des interprétations grotesques et politiquement marquées.


AJOUT 17h00 : Sur le site d'OpinionWay, ce petit mot : "OpinionWay a été injustement mis en cause par Madame Royal dans son livre "Ma plus belle histoire, c'est vous". Les dirigeants ont tenu à lui adresser une lettre de mise au point."

Voici la lettre en question.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

"Comment expliques-tu que Marianne serait mieux informé que les dirigeants de cette boîte et ses clients (crois-moi que dans cet univers les clients ne sont pas des imbéciles et se renseignent).[...]"

Il me semble que c'est bien ce que tu disais dans l'article : ils ont recours à OW en connaissance de cause, sachant ce qu'ils ont à en attendre...

Didier Goux a dit…

" Nous, on a un petit côté conspirationniste" :

Mais, non, p'tit gars, même pas...

Anonyme a dit…

voir Arrêt sur images : «Ségolène Royal attaque les sondeurs d'OpinionWay... mais tape à côté (1/2)» :
http://arretsurimages.net/post/2007/12/06/Segolene-Royal-attaque-les-sondeurs-dOpinionWay-et-rate-sa-cible-1/2


_______
http://argumentons.blogspot.com

*