
Tout d'abord, notons que la mobilisation étudiante date non pas de la rentrée, comme prétend le décréter l'UNEF, mais bel et bien de cet été, au moment où le sémillant Bruno Julliard avait eu le courage d'apporter, si besoin était, une caution "dialogue" au gouvernement Sarkozy. Souvenez-vous : en sortant de chez Valérie Pécresse, il s'était extasié devant ses "qualités d'écoute", et voyait se profiler un avenir radieux pour l'UNEF et donc (!) pour les étudiants de gauche sous le quinquennat Sarkozy.
Pendant ce temps, donc, les syndicats de gauche appelaient à la mobilisation contre la Loi Pécresse sur l'"autonomie" et la "responsabilité" des universités, dont l'UNEF avait participé à l'élaboration. La mobilisation commence, lentement, sans le moindre relais médiatique, tandis que la loi est votée à l'Assemblée pendant les vacances.Julliard est content.
Mais tout cela, Julliard and Co. le savaient déjà bien avant de se lancer dans l'épineux projet de copiner avec la Sarkocratie. Pourquoi donc avoir négocié avec Pécresse, en sachant que cela va contre les fondamentaux de l'UNEF et que l'électorat ne sera pas dupe une seule seconde ? La réponse se trouve dans les modalités de la loi elle-même, et plus précisément dans ce que l'UNEF est parvenue à négocier : non pas un projet pour l'université, mais bel et bien un projet pour l'UNEF. Devant la détermination forcénée d'un gouvernement de stackhanovistes ultralibéraux, le syndicat bayrouiste a négocié la dissolution, et donc la réélection, des conseils centraux étudiants (CA, CEVU et CS), de manière simultanée dans toute la France. Ce cas de figure est extrêmement rare, mais l'enjeu en vaut la chandelle car ce sont lesdits conseils qui votent à leur tour pour les élus CNESER (non, nous ne traduisons pas le jargon technique) qui apportent à leur syndicat des subventions considérables, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'euros par élu et par an, si l'on en croit une source syndicaliste désireuse de rester dans l'anonymat.

Mais revenons à nos brebis. L'UNEF, en perte de vitesse, négocie avec le gouvernement, en abandonnant son projet fondateur, pour mettre la main sur un maximum de subventions et permettre à ses hiérarques de se hisser dans l'organigramme socialiste afin de capitaliser leur engagement dans le cadre d'un véritable plan de carrière. Or, la mobilisation prend de l'ampleur, et les "mouvements sociaux" commencent à pointer leur nez : que peut donc l'UNEF pour ne pas passer aux yeux de ses contemporains pour un aréopage de rabat-joie, boit-sans-soif, peine-à-jouir etc ? La réponse est bien simple : faire diversion.
Le syndicat des jeunes bayrouistes organise donc, simultamément aux cheminots, une mobilisation de grande ampleur, histoire de ne pas rester dans l'ombre au moment des "tensions sociales", histoire de "s'approprier" le mouvement étudiant. Vu les moyens, les contacts et les relais politico-médiatiques dont dispose la bande à Julliard, l'opération ne s'avère pas d'une grande difficulté. Ce qui est moins évident, c'est de faire croire aux étudiants qu'on ne les prend pas pour des cons en négociant une loi à laquelle on finit par s'opposer, mais le but est moins de convaincre les étudiants politisés que de marquer l'opinion.
A ce moment là, l'UNEF confisque la parole médiatique étudiante et délègue ses représentants sur tous les plateaux de télé de France et de Navarre, où ils se défendent tant mal que mal du caractère "politique" de leur mobilisation, contre l'opinion de la majorité des étudiants mobilisés qui resteront dans l'ombre. Et c'est heureux, car le syndicat bayrouiste universitaire n'a pas vraiment la cote chez les étudiants mobilisés depuis belle lurette et qui voient clair dans leur jeu : ainsi l'Assemblée Générale de Paris 8 a-t-elle voté la dissolution de l'UNEF dès le début de l'ingérence de la tribu Julliard dans le mouvement étudiant. Trop émus sans doute, les médias français n'ont pas cru bon d'en faire état.
Ainsi, deux ou trois manifestations et quelques séances de petits fours chez Pécresse plus tard, Bruno Julliard revient sur les plateaux, la bite en fleur, prévenir ses chers kamarades que la mobilisation est finie parce qu'il a obtenu les compensations qu'il désirait (deux ou trois mini-mesurettes, pour le principe). De plus, à l'en croire, ceux qui continueraient de manifester seraient des crétins "irréalistes", qui "décrédibiliseneraient" le mouvement. Un hasard exquis a voulu que les cheminots de la CFDT abandonnent la grève au même moment.
Cette dernière phase du spot publicitaire de l'UNEF nous a offert en outre un grand moment d'humour lorsque l'éternel Bruno Julliard, sur le plateau du Grand Journal de Canal +, se voit poser par un spectateur la question "où est le PS ?". Pour faire de l'humour, Bruno Julliard regarde autour de lui, dans tous les sens, sous sa chaise, dans le public, dans son cul, avant de statuer : "je ne sais pas, je ne le vois pas".
Aujourd'hui, Bruno Julliard est sur les listes du Parti Socialiste aux municipales du 9ème arrondissement de Paris. Le Syndicat Bayrouiste Jacobin, quant à lui, a massivement envoyé ses VRP dans toute la France, et a triomphé sans gloire aux élections des conseils centraux.
Et, même si ça n'a rien à voir, la mobilisation étudiante continue.